Courrier Picard à Grimberghs

Copie de la lettre de Alain Picard à Denis Grimberghs

A Monsieur Denis Grimberghs, Bruxelles, le 12.10.2006.

Je tiens à vous livrer mon état d’âme suite aux péripéties autour des récentes élections communales.

Voter est un acte responsable et très important en démocratie. C’est un acte relativement rare au cours duquel les électeurs ont toutes les cartes en jeu, mais dans un temps très bref : presqu’une journée, le jour de l’élection. Ils ont ainsi le pouvoir de mettre en avant certains partis et candidats ou au contraire de freiner ou de bloquer d’autres. Avant et après les élections, ce sont les femmes et hommes politiques qui ont seuls les cartes en jeu et le pouvoir de réaliser leur programme, du moins en partie ou de critiquer plus ou moins constructivement les actions d’une majorité dont ils ne font pas partie. Beaucoup de peuples y ont aspiré durant de nombreuses années ou y aspirent encore actuellement.

Bien voter n’est pas chose aisée et ce à tous les niveaux de pouvoir. Les candidats aux législatives et aux européennes ne sont guère accessibles pour tout un chacun. Au niveau régional et surtout communal, et pour peu qu’on se démène un peu, il est encore relativement facile de rencontrer et de discuter avec les femmes et hommes politiques. Ces derniers se doivent d’être au service de la population et non agir pour leur propre intérêt. L’honnêteté, la rigueur et le dévouement sont les qualités indispensables pour que la relation électeurs-élus soit saine. Les maladresses et erreurs de jeunesse ne sont pas souhaitables, mais elles sont encore excusables. La malhonnêteté doit être honnie et sanctionnée.

Conscient de l’importance de mon vote, je tente de me tenir au courant du mieux que je peux, non seulement en « période électorale », mais aussi en dehors. Il n’est pas facile quand on a un agenda chargé de suivre toutes les péripéties des actions politiques de sa commune. Il y a quand même quelques moyens, comme lire la presse écrite, écouter et regarder les journaux parlers et télévisés, les débats politiques, les reportages spécifiques. Mais la presse a sa manière de voir les choses et ses exigences propres (synthèses réductrices, audimat, généralisations, effets de mode, etc). Un moyen peu aisé, mais important est de lire et d’essayer les différents programmes présentés par les partis et de comprendre leur philosophie générale pour pouvoir les comparer entre eux. A Schaerbeek, nous avons une chance énorme de pouvoir compter sur une association née des dernières années noires du « nolsisme », la bien nommée « Démocratie schaerbeekoise » ! J’en suis membre depuis de nombreuses années, sans y être actif et j’apprécie énormément le travail accompli par des personnes qui comme moi sont conscientes de l’importance de la vie politique et qui ont décidé aux bénéfices des autres d’investir de leur temps pour réaliser des comptes-rendus très fouillés de tous les conseils communaux, ainsi que d’organiser des rencontres-débats soit entre membres avec un invité-spécialiste, de même, ils n’hésitent pas à développer des sujets peu faciles, comme les finances d’une commune ou la constitution d’un budget. En période électorale, ils organisent des débats avec les différentes têtes de liste sur des questions bien précises. Ils leur adressent également des questions par écrit pour que les réponses puissent être plus réfléchies. C’est tout bénéfice pour nous, simples citoyens de Schaerbeek. Nous pouvons ainsi mieux nous forger une opinion quant aux différentes manières de voir la société en général et la commune en particulier, avoir des réponses aux questions que nous nous posons lorsque certains points présentés dans les programmes ne sont pas bien compris et se faire une idée plus précise sur la façon dont les femmes et hommes politiques se comportent vis-à-vis du monde associatif et du public en général. Ainsi ne pas répondre à des questions simples dans un délai raisonnable ou ne pas se présenter personnellement lorsqu’un débat contradictoire et sérieux est proposé (en dehors des plateaux de télévision ou l’on pourra faire valoir son sourire et esquiver les vraies réponses aux questions posées), c’est se moquer du monde et de ses électeurs potentiels.

J’en viens au sujet principal de ma missive, à savoir les pratiques politiciennes que je condamne à cent pour cent, comme celle qui consiste à signer des accords préélectoraux SECRETS. Je n’ai rien contre les partis qui décident de s’associer en cartels ou qui annoncent clairement qu’ils feront alliance –si les votes le permettent- avec tel ou tel autre parti. Les électeurs peuvent alors voter en pleine connaissance de cause. Mais lorsqu’il existe un accord secret, tout le jeu est faussé et je n’ai pas de qualificatifs assez forts pour les fustiger. Je ne crois absolument pas qu’ils sont pris avec des partis dont le programme serait proche du sien (ceux-ci ne sont parfois même pas encore élaborés au moment de la signature !), ni que ce rapprochement permettrait d’avoir des liens privilégiés avec d’autres pouvoirs dits « supérieurs » : régionaux ou fédéral. Je n’y vois qu’une seule raison, c’est le goût ou l’appétit du POUVOIR pour le pouvoir ! Rien d’autre. Ces accords sont tout à fait malsains, car ils vont à l’encontre de la démocratie et du respect dû au choix de l’électeur. Non seulement il s’agit d’un mensonge (on tait quelque chose de peu avouable), mais en plus ils procèdent d’une malhonnêteté indescriptible.

Pour en venir aux élections à Schaerbeek de ce 8 octobre, j’ai trouvé dans la Libre Belgique de ce mercredi 11 (en haut de la page 3) les qualificatifs que je cherchais pour définir mon sentiment vis-à-vis de vous-même : « outré, scandalisé, révolté … sont quelques qualificatifs qui expriment encore timidement mon dégoût de votre comportement ». D’autre part : « la vie politique est dure, certes. Mais il y a une éthique à respecter ! Surtout de la part de ceux qui se plaisent à donner des leçons aux autres ». Tout ce que j’ai tiré de la Libre s’applique à merveille à VOTRE attitude ! En effet, étant très inquiet des rumeurs qui circulaient notamment dans la presse au sujet d’accords préélectoraux –éventuels- entre votre parti, Ecolo et le PS, nous nous étions renseignés immédiatement pour savoir si cela était bien réel. Il nous a été certifié par plusieurs de vos co-listiers que nous connaissons bien et en qui nous faisons confiance qu’il n’était pas question de tels accords ! Vous-même, interpellé par « Démocratie Schaerbeekoise » (comme les autres partis) à ce sujet avez répondu négativement à cette question, quoique assez mollement à mes yeux. En outre, lors de la soirée organisée par D.S. le 11 septembre dans les locaux de la CSC de Schaerbeek, je vous ai interpellé personnelle-ment à ce sujet. Après m’avoir dit que votre parti aspirait à être au pouvoir pour pouvoir réaliser ses ambitions, ce qui est tout à fait normal, vous m’avez affirmé que vous n’aviez aucune exclusive vis-à-vis d’aucun parti démocratique, ni personnalité et que seule la convergence entre les programmes respectifs devait être pris en compte. J’en ai conclu qu’il n’y avait donc pas d’accord signé avec qui que ce soit et qu’aucune exclusive n’était portée à l’encontre d’aucun parti ni personnalité (ni contre le PS de Madame Onckelinx, ni contre Ecolo de Madame Durant, ni contre la liste du Bourgmestre de Monsieur Clerfayt). De plus, une « Lettre aux Schaerbeekois » datée du 5 octobre remise dans toutes les boîtes aux lettres et signée notamment par vous-même va dans le même sens : « le cdH n’a pas d’exclusive. Pour nous, c’est le vote des Schaerbeekois qui prime ». Et d’autre part, « voter cdH équivaut à voter…cdH ! Les jeux ne sont pas faits » ! Enfin vous terminez votre lettre par « Merci de nous faire confiance ! »

Je ne puis évidemment pas être content qu’une parole donnée et qu’un accord signé soit repris, mais comme écrit plus haut, j’exècre bien plus l’existence même des accords qui se moquent de la démocratie et du mensonge délibéré niant de tels accords qui s’avèreront réels.

En résumé, je suis déçu, triste et fâché de votre comportement et je regrette amèrement de vous avoir donné ma voix ce dimanche. Ma seule consolation est de savoir que vous n’obtiendrez pas le pouvoir que vous désirez tant, de même qu’un autre signataire de cet accord honteux ! Quant à Ecolo, je suis d’ordinaire aussi assez proche de la philosophie générale de ce parti et je regrette aussi qu’il y ait eu une signature de ce parti pour cet accord infâme, mais ils se sont quelque peu rachetés à mes yeux en n’en permettant pas la concrétisation et que finalement le seul parti démocratique pour qui il y a eu un véritable soutien de la population en référence à tout ce qui a été réalisé ces dernières années pourra continuer sa politique de renouveau qui est loin d’être taché de « conservatisme » et de parti « de droite pure et dure » comme certains de ses adversaires le définissent. La démocratie s’y retrouve enfin.

Je suis aussi heureux d’apprendre que certains de vos co-listiers à qui j’avais aussi donné ma voix et qui comme nous ont aussi été « roulés dans la farine », se sont retirés du cdH et qui nous assurent, peut-être un peu tard comme dans la fable : «qu’on ne les y reprendrait plus ! »

Pour en terminer, je vous signale que j’ai une fille qui aura 18 ans lors des prochaines élections législatives et qu’il serait logique que je l’éclaire quelque peu sur les enjeux et les caractéristiques de chaque parti. J’avoue que maintenant je suis bien en peine de la conseiller, moi-même je suis désemparé. La seule chose dont je suis certain, c’est que l’abstention qui favorise les grands partis sans discernement ou le vote pour un parti non démocratique, qu’il soit d’extrême-droite ou d’extrême-gauche n’est pas une solution. Je comprends quand même que certains s’y laissent entraîner.

J’espère que vous avez chez vous des miroirs non déformants et que lorsque vous vous y regarderez vous serez obligé de baisser la tête !

C’est par pure politesse que j’ai acquise de l’éducation qui m’a été donnée, que je vous salue pour la dernière fois.

Alain Picard

N.B. : 1. Je m’excuse pour la longueur de cette lettre, mais cela m’était difficile de vous exprimer mon « état d’âme » en quelques lignes. Je ne vous demande aucune réponse, ni réaction. Vous ne l’avez d’ailleurs pas fait pour un mail beaucoup plus court envoyé par mon épouse, Monique Stronart. J’avais simplement un besoin très grand de vous exprimer mon sentiment au vu des péripéties peu ragoûtantes qui se sont déroulées récemment.
2. Je me permets de transmettre cette lettre à certains de vos co-listiers ou anciens co-listiers pour leur information.