bulletin 109 (10-12 2014): Edito : Entre les accros de la politique et les habitants agressifs: le « citoyen »

Christine Smeysters est quelqu’un de remarquable. En visite chez Démocratie Schaer-beekoise (voir plus loin le rapport de notre AG ), elle raconte, qu’à l’époque, c’est un tract de Démo dans sa boite aux lettres qui l’avait persuadée à s’intéresser à la poli-tique locale. Un tract de Démo aurait été le déclencheur de 12 ans d’échevinat? Et il y a encore des gens qui pensent que les tracts ne servent à rien? (…)
Elle nous raconte aussi que c’était assez amusant de voir certains collègues s’adres-saient à elle comme si une échevine avait « du pouvoir » – pourtant il n’en est rien. Oui, un échevin, qui nage 80 heures par semaine dans ses dossiers (pas tous ;-) , en discus-sion permanente avec tous les acteurs, a plusieurs longueurs d’avance sur un conseiller communal qui essaie de suivre un dossier, et encore davantage sur les citoyens qui tentent de rester à flot. Il est impossible pour le conseiller, comme pour le citoyen, de combler ce retard. Mais pour le reste, du pouvoir, on n’en a guère au Collège. Tout est sujet à négociations, d’interminables négociations : négociations avec la Région, avec d’autres institutions, avec l’administration, négociations au sein du Collège. Celui qui désire mener un projet à terme doit négocier avec tous ses collègues, un par un, se mettre à leur place et les convaincre un par un.
Mme Smeysters s’est fait “racoler” par Démo, est entrée en politique, en en est sortie après 6 ans, y est rentrée quelques semaines plus tard à nouveau pour remplacer un échevin démissionnaire et en est sortie après une nouvelle mandature de 6 ans. Ceci aussi est remarquable. Elle a su arrêter la politique. Cette actrice et directrice de son propre petit théâtre a repris le chemin des planches, comme si de rien n’était, et a perdu de vue la politique. Regardons autour de nous : combien des politiciens peuvent sont capables d’arrêter du jour au lendemain , combien en ont fait une profession, envisager une vie autre sur laquelle ils pouvaient redémarrer? L’illusion du pouvoir vient-elle du fait que pour trop de monde, là-bas, une vie sans politique n’existe pas ou n’a jamais existé ?
L’urbanisme, ça touche la vie des gens, leur maison, leur rue, leur parking… Cela de-vient vite émotionnel. C’est comme ça que Mme Smeysters explique qu’une bonne partie des citoyens sont très agressifs vis-à-vis « des autorités ». Être fonctionnaire, être échevine, cela semble vouloir dire, de se faire agresser, insulter du matin au soir par des « citoyens » qui se sentent eux aussi, eux surtout, agressés personnellement.
Le citoyen qui ne s’attaque pas à la personne, qui ne communique pas par des insultes, mais qui vient calmement avec un problème à resoudre dans le respect mutuel, a déjà gagné la moitié du « combat ».
Le Bral (www.bralvzw.be) vient d’éditer un dossier très intéressant sur la question de savoir si ces derniers temps, on ne constatait pas un désengagement massif des ci-toyens pourtant dotés d’un esprit critique et d’un certain… engagement. Les gens tour-nent le dos à la chose publique, pour se concentrer sur l’hyper-local. La politique de sa commune semble déjà être trop éloignée ( nous le saurions, nous chez Démo, si cela attirait des foules, nous …). Non, on se penche davantage sur des jardins communs, des collectifs d’achat, un magasin de quartier, un café de quartier, un atelier de répara-tion …
D’un côté, on aurait donc des politiciens qui – à défaut d’une vie extérieure sur laquelle ils pourraient retomber – sont trop dépendants de la politique comme profession et comme vie, pour pouvoir dialoguer ouvertement et d’un esprit indépendant. De l’autre côté, on aurait des habitants qui accumulent du mépris et de la détestation vis-à-vis des fonctionnaires et des politiciens, au point que cela les empêche de dialoguer de per-sonne à personne. Et entre les deux, on aurait des « citoyens engagés » qui tournent le dos à la société et ne font rien pour que les deux autres sachent s’entendent…
Il y a du pain sur la planche, pour Démocratie Schaerbeekoise !
Rendre la politique locale transparente et démocratique, ça veut dire rappeler aux « autorités » qu’elles doivent servir la population, ça veut dire de rappeler aux habitants que ce sont eux-mêmes, qui choisissent ceux qui les représentent au Collège et que nous sommes tous des co-citoyens les uns vis-à-vis des autres. Mais cela signifie aussi il faut retisser des liens entre ceux qui s’engagent quelque part et les convaincre de regarder au-delà de leur projet localissime pour former une société tous ensemble. Ne laissons pas les soi-disant « réseaux sociaux » nous convaincre qu’un réseau social, que la société soient une chose virtuelle où on limite ses contacts « sociaux » à des gens qui pensent comme nous-mêmes, et où l’on peut supprimer des opinions divergentes d’un simple clic de souris.
… Venez donc en masse nous rejoindre pour façonner notre société schaerbeekoise!