L’entretien de Monsieur Ducarme dans Le Soir du mardi 13 octobre a suscité des réactions multiples et très autorisées. Comme des raisons qui lui appartiennent ont amené Monsieur Ducarme à Schaerbeek et qu’il y est devenu conseiller communal, Démocratie schaerbeekoise ne croit pas pouvoir se dispenser d’exprimer à son tour son effarement. Pour mémoire, Démocratie schaerbeekoise est un “ mouvement de citoyens responsables ”, constitué en 1988 à partir d’un appel aux habitants pour essayer d’émerger de l’ère Nols.
Ainsi donc, selon Monsieur Ducarme, “ l’intégration a échoué. Du côté des communautés d’origine étrangère, “ beaucoup disent : ‘on ne se sent pas chez soi’. Et, de l’autre côté, pas mal de ceux que j’appellerais des Belges de souche disent : ‘On ne se sent plus tellement chez soi’. L’alliage n’a donc pas pris ”. L’entretien donné au journal confirmait les propos tenus le dimanche précédent sur le plateau de RTL-TVI où le président du MR avait en outre prédit que cette problématique serait un des thèmes de la prochaine campagne électorale.
Ces affirmations nous ramènent 25 ans en arrière et, tout particulièrement pour Schaerbeek, effacent la méritoire évolution (pour ne pas dire : révolution) du monde politique qui, de l’écrasante majorité qui soutenait alors la politique nolsienne d’exclusion et de mépris à l’égard des étrangers, en est arrivée à l’actuelle configuration d’un Conseil communal qui compte de nombreux membres d’origine étrangère (dont trois échevins) et a neutralisé la présence de l’extrême-droite. Elles effacent et méconnaissent surtout la réalité d’une commune où, malgré des problèmes bien réels et quelquefois graves, il y a surtout des hommes et des femmes qui essaient de vivre ensemble, de gagner leur vie, d’élever leurs enfants, et qu’importent leurs origines et leurs différences. Schaerbeek connaît des drames, elle a été secouée au mois de mai dernier par le double meurtre de la rue Vanderlinden mais les réactions à ce tragique événement, la solidarité de tout un quartier, des autorités communales, de la population, bien au delà de la communauté marocaine, ne sont-elles pas bien plus significatives ?
Comment peut-on décréter : “ L’intégration est un échec, l’alliage n’a pas pris ” ? Bien sûr persistent de nombreux problèmes ressentis par les uns et les autres ; bien sûr il y a des difficultés de cohabitation, des problèmes d’inadaptation, beaucoup plus sociaux qu’ethniques d’ailleurs, des tentations de repli identitaire. Comment une politique définie et décidée il y a un peu plus de dix ans, mise en œuvre d’ailleurs vaille que vaille à travers les aléas de l’actualité, pourrait-elle porter des fruits évidents ? L’intégration véritable est une œuvre de longue haleine qui enjambe les générations.
Qu’attendrait donc Monsieur Ducarme ? Pour lui l’intégration n’a pas réussi parce que, “ à force de ne pas oser dire qu’il faut intégrer, on cultive beaucoup plus les différences que l’on ne recherche les convergences ”. Et il réaffirme qu’il existe “ un socle commun de valeurs, que tout le monde doit partager ” et où figurent notamment “ la neutralité de l’État ou l’égalité hommes-femmes ”. Il ne fait là que citer la définition de l’intégration par le Commissariat Royal (que Le Soir a rappelée dans son édition du mercredi 16 octobre) : respect de la loi, socle de valeurs communes et, pour le reste “ respect sans équivoque de la diversité culturelle en tant qu’enrichissement réciproque ”. Mais en ce qui concerne le “ socle de valeurs ”, le Commissariat Royal parlait d’une “ promotion conséquente d’une insertion la plus poussée conformément aux principes sociaux soutenant la culture du pays d’accueil ”, expression un peu alambiquée qui laisse entendre que cela ne se fait pas par un coup de baguette magique ni par voie réglementaire et répressive. C’est ce qui justifie par exemple l’attitude nuancée adoptée par les autorités, malgré une polémique récente, dans la délicate question du port du voile.
Mais l’idée que Monsieur Ducarme se ferait d’une intégration réussie intègre-t-elle le “ respect de la diversité ” ? La phrase sur les différences et les convergences ne laisse-t-elle pas pointer le bout de l’oreille ? L’intégration réussie ne serait-elle pas une assimilation où les nouveaux venus abandonneraient ou camoufleraient leur singularité, se feraient tout petits…D’une intégration pareille, d’une société standardisée, Monsieur Ducarme peut faire son deuil. La société de demain ne sera pas celle d’hier, Schaerbeek, Bruxelles et la Belgique seront quelque chose de nouveau, une société multiculturelle en tout cas et aussi interculturelle que possible et construite par tous ses habitants.
Le Commissariat Royal ajoutait encore un quatrième point à sa définition de l’intégration. L’insertion “ va de pair avec une promotion de l’implication structurelle des minorités aux activités et objectifs des pouvoirs publics ”. De nouveau, l’expression un peu compliquée vise clairement la participation politique des étrangers. Dans un pays démocratique, celle-ci est une condition nécessaire au succès et à la légitimité de toute politique. Si on a fait du progrès dans le domaine, notamment à Schaerbeek, c’est grâce à l’accès de nombreuses personnes d’origine étrangère à la nationalité belge. Mais Monsieur Ducarme devrait peut-être se souvenir de la piteuse palinodie de l’encore P.R.L. à l’époque, en mars dernier lors du débat sénatorial sur la reconnaissance du droit de vote communal aux étrangers non-communautaires.
Non, notre pays et notre commune n’ont pas besoin d’un débat sur l’intégration. Ils ont besoin d’une action déterminée, patiente, respectueuse des personnes et des groupes, pour continuer de façon plus conséquente, la politique sur laquelle, il y a dix ans, s’est réalisé un consensus (même si le P.R.L. était alors dans l’opposition). Nous ne voulons pas revenir au temps où les immigrés étaient l’enjeu négatif de la démagogie électorale. Schaerbeek a fait du chemin depuis Monsieur Nols.
Ce n’est pas l’intégration des immigrés qui est un échec ; c’est l’intégration de Monsieur Ducarme à Schaerbeek, à la réalité bruxelloise et, serions-nous tentés d’ajouter, à la direction responsable d’un parti de gouvernement.
Oui, c’est un scoop, les élections sont fixées à la prochaine assemblée de Démocratie Schaerbeekoise qui aura lieu le mardi 25 février prochain. Il s’agit naturellement du renouvellement du « Bureau » de notre mouvement dont la plupart des membres actuels ne peuvent plus (3e mandat) ou ne désirent plus se représenter.
C’est dire que chaque membre soucieux de faire vivre la démocratie dans notre association en assurant notamment une rotation des tâches, ancien ou nouveau, doit envisager de rendre ce service au cours des deux années qui viennent.
Lors de notre dernière assemblée, une dizaine de personnes ont été « nominées » pour une telle responsabilité. D’autres encore peuvent se faire connaître (à condition de na pas être conseiller communal ou membre du conseil de l’aide sociale). Toutes des personnes seront invitées à se présenter le 25 février afin de recueillir sur leur nom la majorité absolue des votants.
La démocratie ne s’use que si on ne s’en sert pas !