Mais les clubs qui occupent actuellement les lieux, le Racing et le FC Kosova, ne sont pas rassurés.
Depuis près de trente ans, le stade du Crossing se délabre, et depuis quelques années les installations sont tout simplement insalubres. Ces conditions difficiles n’ont pas empêché deux clubs, le Racing Club Schaerbeek et le FC Kosova, de continuer à y accueillir et à y former des jeunes Schaerbeekois souvent issus de milieux socialement peu favorisés, et ce avec d’excellents résultats. Leur travail, en passe de devenir mission impossible, est devenu un peu moins difficile depuis l’inauguration d’un terrain synthétique le long de l’avenue Ernest Renan. Cependant, les clubs ne disposent plus de vestiaires ni de douches, de locaux administratifs ou de buvette, ce qui nuit bien évidemment à la gestion des clubs, à leur équilibre financier et à leur image : comment en effet encore recevoir décemment les clubs qui viennent jouer à Schaerbeek ?
C’est dire combien la rénovation du stade est nécessaire et attendue. Les travaux de reconstruction d’uns stade de 4000 places, pour un budget de 12 millions d’euros entièrement financés par Beliris, viennent de commencer : la phase de désamiantage est entamée (sans que quoi que ce soit aux abords du stade permette de se rendre compte précisément de la localisation et de l’étendue des travaux de cette phase-là). En prévision du commencement du chantier, les clubs résidents avaient reçu de la Commune, à la fin de l’été dernier, une lettre leur intimant de libérer les lieux. L’absence de solution alternative pour leur permettre la poursuite de leurs activités durant les travaux, dont la durée prévue est d’environ dix-huit mois, et la crainte de ne pas pouvoir réintégrer les nouvelles installations ont conduit les clubs à interpeller le Collège. On se souviendra que responsables, entraîneurs, parents et enfants s’étaient rassemblés dans et autour de la salle du Conseil communal, ce qui avait conduit le journal Le Soir à titrer « On a frôlé l’émeute au conseil communal » (30 novembre 2009), dans un accès de sensationnalisme journalistique que tous ceux présents ce soir-là n’ont pas compris. L’interpellation, initialement refusée par le Collège pour une question de forme, a finalement été entendue le 25 novembre. Les réponses alors données n’ont rassuré les responsables des clubs concernés ni quant aux infrastructures provisoires qui devraient leur permettre de poursuivre leurs activités ni quant à la garantie qu’ils souhaitaient obtenir de continuer à jouer dans le stade rénové (actuellement, ils occupent les lieux suite à une convention tacite avec la commune, en l’absence de tout document écrit) : la volonté de la Commune était d’organiser une fusion avec l’autre club de football de Schaerbeek, la Rusas (Royal Union Sportive Albert Schaerbeek), qui joue actuellement avenue Chazal, dans des conditions matérielles infiniment meilleures que celles du Crossing actuel, mais qui demain pâliront devant celles du nouveau stade.
Qu’en est-il aujourd’hui, alors que les travaux ont commencé ?
Sur le plan des infrastructures, des préfabriqués et des containers ont été installés en bordure du terrain à l’intérieur du stade. Outre le fait que le choix de cet endroit, au cœur du chantier, paraît bizarre, il n’y a pas (encore) de raccordement électrique et il n’y a pas non plus de sanitaires prévus.
Quant au déroulement du chantier, il semblerait qu’il y ait des couacs au niveau de la communication entre Beliris, la commune et les clubs. Le dossier du Crossing n’est, à ce titre, pas un cas unique. Si Beliris permet de financer d’importants travaux dans la Région, il a pour inconvénient principal de faire perdre aux communes la maîtrise de l’ouvrage.
Mais les craintes les plus importantes concernent l’avenir des clubs au Crossing. En particulier, le Racing craint que le projet de fusion défendu par la commune ne se traduise par une absorption pure et simple par la Rusas. Or, les publics des deux clubs sont très différents. Le Racing accueille une majorité de jeunes issus de l’immigration, pour qui la pratique de leur sport revêt une grande importance. Chacun serait-il aussi bien accueilli demain dans le nouveau club fusionné ?
Il n’est évidemment pas absurde de vouloir regrouper les forces footballistiques de la commune, ni de souhaiter que le nouveau stade de Schaerbeek profite au plus grand nombre. Mais il est très important de reconnaître le travail considérable qui a été fait par les clubs actuellement présents au Crossing dans des conditions difficiles et d’assurer leur avenir. En particulier, il est de la responsabilité de la Commune de démentir par les faits deux convictions qui sont aujourd’hui largement répandues au sein des usagers actuels du Crossing : 1) la Commune préfère favoriser un club dont les membres sont plus proches politiquement de la majorité actuelle (le Racing étant lui étiqueté « socialiste ») et 2) la Commune estime que si les « immigrés» pouvaient se contenter d’un stade pourri, le nouveau Crossing sera trop bien pour eux.
Il est impératif que la Commune prenne des initiatives de nature à dissiper ces impressions, sous peine de voir la fête que devrait être la rénovation si longtemps attendue du stade schaerbeekois tourner court.