Quel effet cela fait-il d’interpeller le conseil communal de Schaerbeek? Assez étonnant, en somme – on avait posté 10 policiers en gilet pare-balle pour défendre la Haute Assemblée contre Démocratie Schaerbeekoise. Ce qui montre comme la police est bien renseignée sur la dangerosité de Démocratie Schaerbeekoise ??!
Que s’est-il passé? En août dernier, nous avions lu dans la presse que les responsables politiques de Schaerbeek (M. Weber, M. De Herde, Mme Jodogne) déclaraient avoir interdit la distribution des tracts d’une « Coordination Boycott Israël » dans les rues de Schaerbeek.
Nous leur avons demandé des explications par email, ils (M. Weber, M. De Herde) nous ont confirmé la nouvelle. Trouvant scandaleux qu’une commune puisse limiter le droit à la liberté d’expression d’une telle manière, nous avons entamé des recherches et il est assez vite apparu que nous avions raison : notre commune n’est pas la seule d’agir de la sorte, mais c’est tout à fait illégal. Le Conseil d’Etat en a déjà jugé ainsi il y a 10 ans.
Nous avons alors lancé un appel pour interpeller le conseil communal. Avec l’aide du Gracq – merci! – on a réussi en deux jours à rassembler les 20 signatures. Le secrétaire du conseil communal a bien reçu notre demande, nous avons été autorisés à interpeller le conseil le 30 septembre.
Je pensais interpeller le conseil communal, mais mon microphone avait été placé entre le conseil et le collège, face au collège. J’aurais bien voulu interpeller les deux, mais on me forçait à choisir. C’est le conseil communal que nous avons élu pour nous représenter, nous citoyens, c’est à nos représentants que je voulais adresser la parole en premier lieu. J’ai donc orienté le micro dans l’autre sens pour interpeller le conseil communal, ce qui m’a forcé à tourner le dos au collège…
Je me suis adressé aux conseillers communaux en tant que spécialistes expérimentés de la distribution de tracts, pour leur demander s’ils pensent vraiment que chaque distribution de tracts provoque par définition « des attroupements de nature à entraver la circulation », comme l’a prétendu la bourgmestre. Primo, l’interdiction n’est pas prévue dans le règlement général de police, même si la commune a prétendu le contraire. Secundo, l’intervention de la commune est illégale, contraire à la Constitution Belge et la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l’Europe. Pour le reste de l’argumentation, nous vous renvoyons à notre bulletin no. 88, ou notre site web : http://demoscha.be/?p=943.
Le soir même de l’interpellation, j’ai envoyé à notre liste de diffusion un premier résumé, dont la teneur était la suivante :
» M.Grimberghs (CDH) et Mme Bouarfa (PS) surtout ont répondu positivement à notre demande. De la part de la bourgmestre Mme Jodogne (LB), de M. Koksal (LB) et de Mme. Durant (Ecolo), nous avons eu droit à des réponses plus nébuleuses, mais sur le fond, ils nous donnaient aussi raison !
La bourgmestre a notamment répondu que l’association en question avait demandé une autorisation de manifester avec mégaphone, ce que la bourgmestre est libre d’interdire si elle estime que l’ordre public peut en être dérangé, et ce qu’elle a fait.
Mme Jodogne retire donc ce qu’elle avait déclaré dans « Le Soir » du 20 août, à savoir qu’on avait interdit la « distribution de tracts ». L’échevin De Herde se trompait donc aussi lorsque le 18 août sur www. parlemento.com, il parlait d’une interdiction de tracts.
Très bien. Donc, à l’avenir :
- n’introduisez pas à la commune de demande pour une distribution des tracts, on pourrait interpréter cette demande comme l’annonce d’une manifestation ;
- ne vous munissez pas d’un mégaphone, parce qu’un mégaphone est constitutif d’une manifestation ;
- si la police essaie quand même de vous interdire de distribuer des tracts, contactez la bourgmestre, qui nous a assuré être une grande défenseuse de la liberté d’expression ;
- et puis contactez-nous aussi, que nous puissions rappeler ses promesses au collège :-) :-) »
Quelques semaines plus tard, on peut encore ajouter quelques remarques:
1) Plusieurs intervenants se sont félicités que la commune soit si ouverte aux citoyens, puisqu’elle permet à 20 signataires d’interpeller le conseil communal. Oui, ça nous a facilité la tâche, mais non, une exigence de 100 signature aurait certes provoqué plus de travail pour nous, mais n’aurait fait que retarder l’interpellation d’un mois. C’est certes à la suite d’une demande de Démocratie Schaerbeekoise que la commune avait à l’époque instauré le droit d’interpellation populaire, mais c’est bien de leur propre initiative que les élus locaux ont abaissé le nombre des signatures exigées de 100 à 20 …
2) Mme Jodogne m’avait prévenu que je ne pourrais parler qu’une fois, je n’étais pas autorisé à réagir à sa réponse ou à celles des conseillers. Je trouve ça un peu triste, j’ai dû quitter la salle sans pouvoir remercier la bourgmestre et les conseillers, ni dire au revoir. Ça nous force à être impolis, il faudrait réfléchir à changer ça.
3) Entre temps, notre infatigable rapporteur Pierre a obtenu le texte écrit de la réponse de Mme Jodogne… Il s’avère qu’il contient une phrase que je n’avais pas entendue lors de la séance du conseil communal: « Je pense [dit la bourgmestre] qu’il n’y a rien d’excessif, par rapport à ces libertés de distribution de tracts sur la voie publique, de les soumettre à une demande d’autorisation. » L’expression d’opinion est libre, même pour les bourgmestres. Mme Jodogne peut penser ce qu’elle veut, elle peut dire ce qu’elle pense, seulement elle ne peut pas agir comme elle le voudrait. Par contre, elle peut toujours demander aux représentants de son parti au Parlement Belge d’adapter la constitution à ce qu’elle ne trouve « pas excessif », et aux représentants de son parti à l’Assemblé Parlementaire du Conseil d’Europe de changer de la même manière la convention européenne mentionnée ci-dessus …
4) Ceci dit, il reste à noter que la seule information qui ait gagné le grand public via les médias, c’est l’interdiction initiale. Les médias n’ont pas relayé notre interpellation, ni les réponses des conseillers. Les citoyens croient donc toujours que la bourgmestre peut bel et bien interdire la distribution de tracts, ce qui n’est pas bon pour la démocratie locale. Comment changer cela?
5) J’ai appris d’un membre du PTB qu’entre temps, dans les faits, la commune s’est mise à appliquer la règle suivante: une distribution avec mégaphone exige une autorisation ; une distribution sans mégaphone non. Alors voilà, ça, aux moins, ça marche.
Bonnes fêtes!