Dans le cadre de son groupe de travail sur le CPAS, DS a jugé utile de rassembler des informations générales sur l’adresse de référence.
Bon nombre de Bruxellois se souviennent de ce qu’on a appelé dans le temps, la cavalcade des SDF dans les rues de Bruxelles, ainsi que l’occupation du Château de la Solitude à Auderghem dans les années 1990. Soutenue par la presse et certains parlementaires, cette lutte menée par les SDF eux-mêmes a abouti dans les années 2000 à la création de ce qu’on appelle « adresse de référence ». Mais ce n’est qu’en 2007 que ce mécanisme a finalement été peaufiné.
« Pas de carte d’identité valide » signifie « être inexistant »
Notre loi est ainsi faite qu’un Belge (ou un étranger en séjour régulier) qui n’a plus de domicile privé n’existe plus aux yeux des administrations : plus de pension, ni d’allocations de chômage ou d’invalidité ou du CPAS, plus de mutuelle, ni de permis de conduire, et même pas d’héritage possible.
Grâce à leurs luttes, les SDF ont réussi à pouvoir être domiciliés au CPAS. Tout leur courrier arrive au CPAS ; dans la puce électronique de la carte d’identité, c’est cette adresse qui est notée. C’est une grande victoire, car dès lors, la plupart des personnes qui avaient pris part à la lutte retrouvaient leurs revenus, et bien vite un logement. De même, aujourd’hui, la plupart des personnes que nous croisons à la rue sont domiciliées dans un CPAS ou en voie de l’être, mais tout cela à condition d’être belge ou en séjour régulier sur le territoire.
Réfugié temporairement chez des amis ou dans la famille
Mais la lutte continue car, si actuellement de nombreux travailleurs de rue orientent celles et ceux qui sont à la rue, personne ne se préoccupe des nombreuses personnes qui, bien avant de se retrouver à la rue, sont hébergées temporairement chez des amis ou dans la famille. Depuis quelques années, ils sont de plus en plus nombreux dans ce cas : des chômeurs exclus du chômage, des Belges revenant d’Espagne ou autre pays en difficulté, des indépendants en faillite, des personnes âgées ou même plus jeunes qui perdent leur conjoint et n’arrivent plus à payer la location seul, des jeunes en rupture familiale, des personnes sortant de prison (alors que normalement on ne peut sortir qu’aidé d’un AS pour trouver un logement), des personnes résidant dans un abri de jardin, une caravane ou une maison déclarée insalubre, etc…. Bien souvent, ces personnes n’ont aucun contact avec les CPAS, restent parfois des mois avant de se rendre compte qu’elles n’ont plus aucun droit, et ne savent comment faire.
Pourquoi ne pas se domicilier là où elles sont ? Nombreux peuvent se le permettre si la personne qui héberge travaille ou est pensionnée. Par contre, si cette personne hébergeante reçoit des allocations de chômage ou le Revenu d’insertion (RIS, anciennement minimex), l’hébergé sera considéré comme cohabitant, ce qui vaudra à l’hébergeant une diminution de revenus d’au moins 450 €. De plus, si cela se passe dans un logement social, la situation doit être déclarée à l’agence, qui va automatiquement augmenter le loyer et les charges.Et enfin, il y a bien souvent encore la peur des huissiers !
Conditions à vérifier pour accorder l’adresse de référence
– Belge ou en séjour légal, et plus de 18 ans : ça, c’est facile à vérifier, mais la suite relève pour l’intéressé d’un véritable parcours du combattant …
– Compétence territoriale : la personne ne peut s’adresser qu’au CPAS de la Commune sur laquelle elle est hébergée (si elle a le malheur de dire je dors çà et là, elle est automatiquement éjectée !). Elle est obligée de donner l’adresse, et un AS ira vérifier la véracité de ses dires. De rares fois, on a malheureusement vu un CPAS faire vérifier l’hébergement par… la police. La conséquence tombe comme un couperet : la personne y est automatiquement domiciliée, avec toutes les conséquences négatives pour son hébergeant : cohabitant, augmentation de la location, ainsi que le danger des huissiers !
– Ressources insuffisantes pour se payer un logement privé : heureusement, aucune circulaire ne précise la somme maximale des revenus ; très souvent, les CPAS considèrent comme « insuffisant » le RIS augmenté de 10% (soit 833 € + 83,30 € = 916,30 €).
- Mais souvent les CPAS considèrent que la personne dépasse la limite lorsqu’elle a en théorie droit à 1.100 € de pension ou d’allocations de chômage, sans prêter attention au fait que, sans domicile, la personne n’a plus rien, et qu’elle a absolument besoin de cette adresse pour récupérer ses droits.
- Même un travailleur qui gagne 1.200 € par mois peut avoir droit à l’adresse de référence, car le CPAS doit tenir compte de frais fixes comme une pension alimentaire ou des frais médicaux ou des dettes.
- La plus grosse difficulté attend les indépendants qui ont fait faillite, car le CPAS risque de se baser sur leur déclaration fiscale de l’année précédente !
– Être radié du domicile précédent : c’est évident, puisque c’est comme si la personne déménageait. Malheureusement, certains CPAS renvoient les gens en leur disant d’aller « se faire rayer eux-mêmes » dans leur précédente commune.
- Démarche totalement impossible, seul un service Population peut « rayer ».
- C’est le CPAS qui doit prévenir le service Population de la commune précédente, afin qu’il fasse un changement d’adresse. D’ailleurs, depuis 2007, les CPAS disposent d’une circulaire avec en annexe le formulaire de demande de changement d’adresse mais, malgré cela, certains CPAS n’obéissent pas.
Quelques embûches encore sur le parcours :
- Des CPAS demandent de produire trois mois d’extraits bancaires afin de vérifier les revenus. C’est illégal, l’inspection fédérale leur a déjà tapé sur les doigts car ils ont la possibilité de consulter la Banque-carrefour. Mais ils demandent quand même, et bon amusement pour la personne qui a perdu ses relevés, car elle doit payer très cher la banque ! Comme ce sont les revenus que le CPAS veut contrôler, nous recommandons de passer les dépenses au tipex.
- Certains CPAS vont jusqu’à demander une composition de ménage: impossible à obtenir sans carte d’identité valide !
- Un CPAS a refusé une adresse de référence à quelqu’un qui dormait dans un parc, parce qu’il était trop bien habillé …
- Certains CPAS, en Flandres surtout, disent simplement que dans leur commune, cela ne se fait pas, et que la personne doit aller dans une grande ville.
- Cette adresse est provisoire, parfois c’est 6 mois renouvelables, mais toujours à discuter.
- S’il refuse, le CPAS doit envoyer son refus par courrier recommandé(… bon amusement pour se faire identifier par le facteur quand on n’a pas de carte d’identité !).
A noter que l’AS n’a aucun droit de refuser l’adresse de référence, il ne peut que communiquer le dossier au Conseil du CPAS qui décidera. Si ce dernier refuse, il ne peut le faire que par écrit et en donnant les motifs du refus (ce qui permet de demander d’être reçu par le Conseil du CPAS pour discuter de son cas, ou bien d’aller en justice).
Des témoignages sur la situation à Schaerbeek en cette matière peuvent être adressés à la rédaction.
NB : Les circulaires ministérielles sont en ligne sur le site frontsdf