Article: Pour une police démocratique

Le 10 mars 1998, le groupe pour « une police démocratique » a invité Monsieur Lode van Outrive, professeur émérite de la K.U. Leuven et auteur d’un cahier du CRISP de 1997 : « La Réforme des polices », afin de comprendre le contenu de « police de proximité ».

La police de proximité.
L’expression « police de proximité » est d’origine anglo-saxonne. Dans les années ’70, on assiste ˆ une crise de la police dans les pays anglo-saxons; elle avait beaucoup investi dans la technologie centralisée qui ne donnait pas les résultats espérés. Le taux d’élucidation des délits était en diminution.

Se développe alors l’idée d’une police de proximité (communautaire) c’est-à-dire partant des besoins de la population et en partenariat avec tout ce qui participe aux tâches d’intérêt général.

L’autonomie de la police y est très grande, il n’y a pas de Parquet, la police mène l’enquête judiciaire et peut effectuer les poursuites. c’est un quatrième pouvoir contrairement au système « napoléonien-français » où la police n’a pas cette autonomie.

Chez nous, cela est culturellement impensable, de plus il existe une solidarité sociale; dans les pays anglo-saxons, cette solidarité est prise en charge par la police.

Dans ce système, les services de police de base (cf. gendarmerie en Belgique) et communautaire ont une capacité d’initiative qu’on ne veut pas donner à la police de proximité chez nous.

La réorganisation de la Police en Belgique.

Il faut distinguer :
-1) police locale : de proximité
-2) police fédérale : judiciaire


1) Réponse aux besoins journaliers de la population : les recherches et enquêtes révèlent bien d’autres problèmes que ceux de l’insécurité dont les politiques parlent. Il apparaît que les problèmes cités par la population sont : trafic routier dangereux, pollution, délabrement des quartiers, etc… liés ˆ des problèmes plus globaux d’insécurité (emploi, logement, urbanisme, …).
Or, on ne peut y répondre uniquement localement. Les problèmes de base sont trop importants pour qu’on y réponde par des actions locales; il est ridicule de ne proposer que des clubs, des travailleurs sociaux de quartier(sans nier leur utilité).

La petite criminalité (intra-classe) n’est pas le problème principal même si les politiciens continuent d’utiliser cet argument.
95% du travail de la police locale n’est pas pénal (pas de verbalisation) mais est un travail de renseignements, d’information, de négociation. Il s’agit d’un travail très polyvalent.

Dans les cas de criminalité, 40% seulement sont verbalisés. Il y a donc 60% de cas où ce n’est pas fait car l’expérience montre que cela ne sert à rien et ne résout rien.

2) Recherche judiciaire : il s’agit de la répression de la grande criminalité. En réalité cette recherche se fait par information donnée par la concurrence, la délation, les repentis, les informateurs,… « vivre et laisser vivre! » ça fait vivre la police.

La police locale, elle, doit être plus polyvalente, souple et flexible car la réalité pose plus de problèmes que la grande criminalité.

La réforme des polices
:
Il faudrait améliorer la Police judiciaire, c’est le constat général qui se dégage suite aux « affaires ». La gendarmerie(maintien de l’ordre) doit aider la P.J. et non l’inverse. Or, on constate un renforcement de la gendarmerie.

Le Pouvoir exécutif a toujours été le protecteur de la gendarmerie.
Il y a un grand amour entre le S.P. et la gendarmerie. D’autres partis protègent la police locale, la P.J.
Est-ce une protection ? une auto-protection ? la garde prétorienne des hommes politiques redoutant des émeutes. On revient à la conception latine et prussienne d’un état fort avec un outil fort.

La police de proximité

1) elle est d’abord locale, répondant aux besoins des citoyens.

2) elle travaille en partenariat. La sécurité au niveau local est de la compétence des autorités politiques locales municipales. Plusieurs instances participent à la fonction de police, avec la police. La communauté doit participer.
La police est alors l’exécutif de la politique « communautaire », contrôlée par les acteurs qui y sont intégrés.
Elle doit être plus accessible et il devrait y avoir plus d’agents de quartier à l’écoute et donc déchargés des tâches administratives. C’est très différent de ce qui se fait.

n peu d’histoire : une concurrence récurrente…
1945 : la gendarmerie débute par un arrêté du Régent. Le Pouvoir Politique a toujours évité le Parlement en passant par des arrêtés royaux ou ministériels. Il y avait bien sûr les lois-cadres mais rien d’important ne s’y trouvait. Déjà la gendarmerie concurrence la P.J. avec la B.S.R./B.O.B. La fonction de la gendarmerie est le maintien de l’ordre.
1994 : la gendarmerie concurrence la police communale avec l’idée de « police de base ». Tout est conçu au niveau central par la gendarmerie, décidé au niveau de l’état-major. Les prototypes de projets sont développés sans que la police locale ne le sache.

Les risques d’une police unique ?

1) Le projet de police unique va à l’encontre de la demande sociale car il criminalise tout à tort et à travers. La police « nationale » (c’est plus honnête de dire « gendarmerie ») intervient « d’en haut ». Dans ce cas, il n’y a plus de contrôle local.

A Lille, la police est communale; le chef de la police est l’adjoint au maire. Il s’agit bien d’une police communale, contrôlée par le pouvoir politique.

En Hollande, la police nationale et régionale néglige tout ce qui n’est pas lutte contre le crime. Il n’y a plus de réponse aux problèmes locaux.

Le risque est grand que la police « unique » devienne une police autoritaire et dictatoriale. Les projets sont développés « en haut » et il n’y a pas de contrôle du politique sur ce qui se fait.

Contrats de sécurité

La politique des contrats de sécurité a été instaurée sans négociation. C’est l’incarnation d’une politique pensée « en haut », sans aucun partenariat.

La place accordée à la police y est trop importante : 70% des fonds sont alloués aux services de police contre 30% seulement aux autres services. La police mène la barque, ce n’est pas du vrai partenariat.

Le Bourgmestre devrait être responsable de la politique de sécurité au sens large.
Le partenariat doit pouvoir être changeant, adapté aux partenaires concernés.
Pour les travailleurs sociaux et les acteurs de l’associatif, il est insoutenable d’être en partenariat avec la police dans ces conditions.

Les relations entre le local et le fédéral

L’existence de deux services de police au niveau local a changé les relations qui passent de la complémentarité, à l’égalité, à l’identité. Ces changements fréquents ont induit un grand flou et une forte indécision. Il arrive qu’une antenne de la gendarmerie vienne s’installer dans une localité à l’insu du Bourgmestre !

Toutefois, l’interférence du pouvoir fédéral est beaucoup plus grande que celle du pouvoir local.
Or, ce ne sont pas les pouvoirs fédéraux qui connaissent les problèmes locaux.
On a vu se développer des projets « passe-partout » (par exemple, projet contre vol de bicyclettes alors qu’il n’y avait pas de bicyclette !, les centres de transit à développer car la police serait débordée par les usagers des drogues = un mythe,…).

En deuxième partie viennent quelques questions.

Europol

C’est une tentative de police globale européenne sur laquelle il n’y a plus de contrôle judiciaire ni politique.
Il y a 12 représentants « hors parlement ».
Aucune demande de contrôle critique par rapport à ce projet. Le but est de rassembler des informations douces et dures sur les citoyens européens.

Il y a une demande d’autonomie des polices par rapport au pouvoir national.
L’important est que le débat se développe dans le champ social.
Alors que les experts décident en secret, il est important d’y opposer la réflexion des citoyens (venant « du bas ») pour alimenter la revalorisation du savoir profane des non-spécialistes.

Police de proximité – proximité de la police ?
Risque d’une police « proactive ».
Opposer une barrière démocratique en articulant « police » et service à la population : Z.I.P.= zone inter-policière, cela dépend du problème auquel il faut répondre et relativise la tâche de la police. Cela signifie que la police doit être capable de détecter certains problèmes et de les transférer à d’autres instances.
Un exemple intéressant : à Malines, les garages ont été intéressés à la lutte contre le vol de voiture. Ils apportent une aide efficace, font gagner du temps et en même temps exercent une certaine vigilance vis-à-vis de la police.
La répression est l’ultime recours du policier. Pour cela, la culture de la police doit changer.
La formation du policier de base doit être très différente de celle de la P.J. Or, dans le projet de police unique, on uniformise…
Il faut donc lutter contre toutes les évidences qui se sont insérées dans le débat comme celle d’une police « unique », d’une formation « unique », etc…
La police peut être « moins proche » si les autres acteurs prennent leur place !

Quid du changement de mentalité ?

Il faut changer les structures !
Comme pour les juges de la jeunesse, on peut souhaiter un changement de mentalité mais ils continuent de fonctionner de la même manière car on n’a pas limité leur pouvoir.
Il faut recruter et éduquer autrement.

Pourquoi le recours de plus en plus fréquent à la police !

S’il y a recours de plus en plus fréquent à la police, c’est parce que les autres services ne sont pas disponibles la nuit et le Week end quand il y a des problêmes.

Le chef de la police doit-il être le bourgmestre ?

Tout dépend du pouvoir du bourgmestre. Quelle marge de manoeuvre a-t-il ?
Y a-t-il des délégations ? La loi sur la police de 1994 dit que la police est sous l’autorité du bourgmestre : il peut dire ce qu’elle doit faire mais pas comment le faire.
L’interaction entre le Bourgmestre et le commissaire en chef est très importante. Si le Bourgmestre le veut, il peut avoir un contrôle.
Le contrat doit être très clair.
Ce contrat est-il transparent ?
Idéalement, c’est un échevin qui doit être délégué car le Bourgmestre doit être coordinateur « parapluie ».
Le chef de la police devrait être un civil car il doit coordonner avec les autres services : ce devrait donc être un civil « averti ». Mais comment être ce civil averti ? Il n’est pas nécessaire de faire une vaste enquête. On peut faire la morphologie d’un quartier en ciblant les différents milieux existants on peut identifier les besoins : vingt, trente témoins privilégiés (écoles – commerces – services médicaux). Le policier, lui, est juge et partie.

De quelle police a-t-on besoin ?

Il faut organiser la police en fonction des problêmes de la commune.
A Bruxelles-ville, par exemple, on aura sans doute plus besoin de la fonction de « maintien de l’ordre » ˆ cause des manifestations qui s’y déroulent.

La démocratisation à l’intérieur de la police doit être développée par la communication interne et le feed-back. Un officier de police doit être tolérant et « savoir encaisser », garder son calme. Il existe des « profils » pour ce genre de fonction.

Le contrôle sur la police doit être le fait des échevins. A Genk, Mechelen, Namur, Seraing, il y a une commission consultative « police », il semble que ça fonctionne assez bien.

Pour Schaerbeek, souligner la non-consultation des citoyens sur ces questions et ces besoins.

Il faudrait rechercher les témoins privilégiés qui connaissent bien Schaerbeek.

Complémentarité

Il est important que la police ait la conviction et l’expérience de son incapacité à résoudre seule tous les problêmes.

La gendarmerie, à l’opposé, pense pouvoir tout résoudre : « être partout présent » (contre la grande criminalité = argument faut cf. début).
Elle est omniprésente sur le terrain !

Conclusion:

De même que l’Europe a besoin d’un supplément d’âme, les institutions doivent changer de mentalité. Il ne suffit pas d’appliquer le règlement. Le service de police est un service « public »

Le projet de notre groupe : d’ici un an interpeller à nouveau le Conseil Communal : avoir un cahier de charge. Eclairer la chandelle du Bourgmestre et lui dire nos exigences.
Il faudra maintenant voir comment procéder, les différentes étapes du travail et la répartition des tâches.