L’enseignement en Communauté française est un des plus inégalitaires parmi les pays de l’OCDE. La situation à Bruxelles en particulier est grave : la dualisation entre établissements élitistes et établissements de relégation y est plus fortement accentuée que partout ailleurs.
Ce constat alarmant sans cesse répété ces dernières années a incité les autorités publiques à agir pour lutter contre ces inégalités. Parmi les mesures prises, le décret « Inscription » s’inscrit dans une volonté de lutter contre l’échec scolaire en favorisant la mixité sociale et l’égalité de traitement.
Néanmoins, la faible portée du dispositif ne permet pas une véritable régulation du système des inscriptions dont le fonctionnement s’apparente à celui d’un marché commercial. En fonction du capital culturel, social, voire économique dont ils disposent les parents choisissent ainsi les établissements offrant les services qu’ils peuvent se permettre. Ce système est déresponsabilisant car il n’encourage pas les acteurs de l’enseignement à œuvrer à la réussite de tous. Les difficultés scolaires sont traitées en recourant à l’exclusion et la relégation. La patate chaude est refilée au milieu familial, avec les conséquences que l’on connait.
La lutte contre la reproduction des inégalités par l’école passe donc par des mesures encore plus fortes. Et surtout, une réelle volonté politique d’assurer l’égalité entre tous les enfants y compris en ignorant les privilèges dont ont hérité certains.
Ce n’est clairement pas le signal qui a été envoyé par les autorités communales dans la dernière mouture du Schaerbeek-Info : « les parents devraient être plus libres de choisir une école en fonction de son projet pédagogique et non de sa situation géographique. De plus, cela restreint fortement la zone de recrutement des établissements secondaires ». Par ailleurs, elles craignent « à nouveau un nombre important d’enfants sans école ou qui ne trouveront pas d’établissement en adéquation avec leurs besoins. » (Édition du 04 mars 2013, page 7 dans l’article intitulé Schaerbeek offre 612 places en septembre 2013 !)
L’enseignement en Communauté française a-t-il vraiment attendu ce décret pour ne pas répondre aux besoins de très nombreux jeunes qui subissent l’échec et la ségrégation scolaires du fait de leur condition sociale ? Les besoins de ces enfants – n’y en a-t-il pas à Schaerbeek ? – auraient-ils moins d’importance aux yeux des autorités communales ?
Cet article pose aussi la question de la politique de recrutement des élèves dans les écoles secondaires du réseau communal. L’échevin de l’enseignement déplore ainsi la limitation de la zone de recrutement des établissements scolaires. L’objectif du décret est de favoriser la mixité sociale, en tentant d’imposer notamment un quota d’élèves issu-e-s des classes populaires et un recrutement local. Faut-il dès lors en conclure que certains établissements communaux souhaiteraient opérer davantage de sélection sociale ?
De fait, la structure de l’enseignement secondaire communal s’inscrit pleinement dans une logique mercantile avec ses différentes niches qui sont autant de ghettos. Il est inquiétant de constater qu’un pouvoir organisateur public cautionne un tel système aux antipodes de ce que devrait être un service public.
Et le programme de majorité n’est guère plus rassurant : la majorité souhaite en effet accorder plus d’autonomie aux directions d’école2. Doit-on le comprendre comme une traduction en langue de bois de la volonté d’aller jusqu’au bout de la dérégulation de l’enseignement public communal ?