Quelles sont les lignes de force de la politique sportive poursuivie par la commune de Schaerbeek ? En particulier, quels sont les enjeux en termes d’égalité hommes/femmes dans ce domaine aux connotations parfois si « viriles » ? Telles sont – entre autres – les questions que nous poserons lors du débat qui se tiendra lors de notre assemblée générale du 10 mars prochain en présence notamment de l’échevin des sports Sait Köse.
Parmi les points intéressants à relever à ce sujet dans l’accord de majorité, on peut citer la volonté :
-d’accorder des taux de subvention préférentiels aux cercles sportifs proposant des activités spécifiques pour les femmes (p. 24) ;
– de distribuer des chèques sport selon des critères liés notamment au genre (lesquels exactement ?) (p. 25) ;
– de soutenir les associations de femmes en leur mettant à disposition des locaux à prix modique (p. 27).
Si la transparence en matière de subventionnement et d’octroi de locaux est un enjeu sur lequel la majorité s’est engagée de manière générale, qu’en est-il précisément des cercles sportifs qui proposent des activités pour les femmes ? Qui sont-ils, quels types d’activités proposent-ils et pourquoi avoir choisi ceux-là et pas d’autres ? Quelle proportion des subventions totales cela représente-t-il ?
Quant aux chèques sport, quelle est la proportion de femmes qui devrait en bénéficier ? Toutes les femmes sont-elles concernées au même titre ? En d’autres termes, est-il question de croiser le genre avec d’autres critères tels que les revenus ou l’âge ?
Quelle est par ailleurs la communication qu’adoptent les pouvoirs communaux en matière de publicité des aides disponibles ? Se contentent-ils d’attendre passivement les demandes, laissant les usagers et usagères les plus informées et les mieux dotées en réseau social en bénéficier en priorité ? Sont-ils plutôt proactifs et vont-ils chercher les publics plus démunis là où ils se trouvent ? Même chose en ce qui concerne les cercles sportifs.
Ces questions méritent un examen plus qu’attentif de la part de la majorité ; comme dans d’autres domaines, les effets d’aubaine peuvent être un effet pervers probable si l’on n’y prend garde. Or, les deniers communaux sont suffisamment rares pour ne pas les dilapider au bénéfice de ceux et celles pour qui, de toute manière, l’accès aux pra-tiques sportives n’est pas un parcours d’obstacles.
Davantage que de l’argent à offrir, une culture à déconstruire
Au-delà de la problématique de l’offre, le problème de l’accès des femmes aux pratiques sportives n’est-il pas aussi et surtout un problème culturel ? Les politiques communales ne restent-elles pas frileuses en la matière ? Pourquoi ne pas promouvoir des équipes de football féminines par exemple ? Plus audacieux encore : pourquoi ne pas proposer des équipes mixtes ? Pourquoi ne pas organiser des événements sportifs po-pulaires qui mettraient sur un pied d’égalité la participation des femmes et des hommes ? Il s’agirait de déconstruire les stéréotypes de genre qui n’associent que trop peu les femmes à l’activité physique.
Évidemment, une telle approche nécessite de se détacher d’une politique sportive « occupationnelle » qui aurait pour seule ambition de gérer la misère et de monnayer la paix sociale. Quand on fait courir les gamins (plus souvent que les gamines d’ailleurs) derrière la ba-balle en confortant leurs aprioris, la dimension émancipatrice du sport devient un mirage. De la même manière, se disso-cier des politiques élitistes qui privilégient quelques talents individuels au détriment de la dimension collective est tout aussi primordial. Ces deux approches, à bien des égards, sont d’ailleurs complémentaires. Tenir vraiment compte du genre ne revient-il pas par conséquent à repenser toute la politique des sports ?
Pour terminer, une politique sportive émancipatrice doit nécessairement être pensée en lien avec un projet politique global ; par exemple, des mesures sont-elles mises en place dans les écoles communales pour que les cours d’éducation physique valorisent l’activité sportive féminine, et pas nécessairement dans les sports dans lesquels on les attendrait traditionnellement ? Est-il question, entre autres, de les initier à des disci-plines connotées masculines, justement pour qu’elles ne le soient plus à l’avenir (et inversement avec les garçons) ? Il faut avoir à l’esprit que les inégalités hommes/femmes se construisent dès le plus jeune âge, à l’école notamment, et que les pratiques sportives différenciées, parce qu’elles ont pour elles toutes les apparences des diffé-rences biologiques, tendent à les transformer par la suite en différences de rôles sociaux.
Et parce qu’il n’y a pas pire donneur de leçons que celui qui ne se les applique pas, le Collège communal pourrait commencer par revoir la composition de son équipe : avec seulement deux femmes sur 12 membres (Cécile Jodogne étant empêchée), c’est un carton jaune que nous lui adressons. À ce stade, il ne s’agit encore que d’un avertissement, il n’est donc pas trop tard.