Comme nous l’avions annoncé dans le numéro 43 (avril 1998) de Démocratie Schaerbeekoise, l’Assemblée générale du jeudi 14 mai a été consacrée principalement à la politique communale à l’égard des populations d’origine immigrée. Elle a été préparée par la diffusion d’un questionnaire au sein de cette population elle-même, par le biais des organisations immigrées ou belgo-immigrées. Le questionnaire était libellé de la façon suivante :
Depuis le changement de majorité, après les élections de 1994, dans la politique (manière de parler, comportements, initiatives) de la commune à l’égard des personnes et communautés d’origine étrangère,
1) Avez-vous perçu un changement ? Lequel ? Dans quels domaines ?
2) Y a-t-il au contraire des points où rien n’a changé ? Peut-être même des points où la situation est moins bonne ? De nouvelles difficultés ?
3) Quels sont selon vous les points où une amélioration devrait et pourrait être apportée ? Où une action pourrait et devrait être menée ?
70 questionnaires ont été envoyés. Au total, 14 réponses seulement, dont celles de 9 personnes du quartier recueillies par Bouillon de cultures.
Première question : Avez-vous perçu un changement ?
11 réponses disent : oui, plusieurs ajoutent : nettement, ou : grand changement. Une personne dit qu’elle n’est que depuis peu de temps à Schaerbeek et ne peut pas juger. Une dit : aucun changement en ce qui concerne la population schaerbeekoise, une autre : je n’ai pas perçu de grand changement parce que « le respect des autres n’est pas ce qui règne à Schaerbeek ».
On souligne l’amélioration du climat ; moins de discrimination avouée et de rejet systématique ; de meilleures relations entre le monde associatif et les mandataires politiques, projets en partenariat. Les échevins rencontrés donnent l’impression de prendre en compte la spécificité des communautés étrangères et d’essayer de les écouter (on note parfois une attitude « concurrentielle » mais le plus souvent la volonté d’arriver à une certaine synergie).
Le domaine le plus mentionné est la politique à l’égard des jeunes : éducateurs de rue, maisons de quartier, comités de concertation pour l’intégration et la cohabitation, plus d’activités pour les jeunes (quatre réponses de jeunes). On signale aussi : des initiatives au niveau de l’emploi, de l’urbanisme (aménagement de divers quartiers, expropriation de maisons vides ou insalubres, propreté des rues), de l’accès au logement social (mais une discrimination subsiste à cause de la taille des familles, peu de logements pour familles nombreuses), des animations (braderie, expositions, etc.) Deux réponses disent qu’au service de la population (guichets) l’accueil est meilleur. Une réponse note qu’il y a moins d’agressions, de voitures volées ; une autre que le quartier Josaphat est moins isolé car « la police y remet les pieds » (mais « à quand les vrais ilôtiers ? »). Comme nous allons le voir tout de suite, sur plusieurs de ces points des avis sont émis en sens contraire.
Deuxième question : qu’est-ce qui n’a pas changé ?
Un point essentiel : la police ; il n’y a pas encore de « police de proximité ».
Aménagement et propreté : à côté d’améliorations, beaucoup de rues restent sales, beaucoup de trottoirs en mauvais état (« pour l’environnement, rien n’a changé! », dit quelqu’un). L’accessibilité aux infrastructures culturelles, sportives, etc. reste difficile (chère). Il n’y a pas assez de relais avec la population d’origine immigrée (travailleurs sociaux, etc.)
Problèmes plus particuliers : les éboueurs devraient faire plus attention en ramassant les poubelles. Problème de bruit (les motos) et de sécurité dans les quartiers.
Voix discordantes en ce qui concerne l’accueil aux guichets de la commune : « On ridiculise les gens qui ne savent pas lire ; on vous fait répéter trois fois avant de vous renseigner »; « Je suis parfois choquée de la façon dont Duriau et son personnel accueillent les personnes d’origine immigrée à la permanence ».
Question posée concernant la taxe sur les antennes paraboliques (cfr plus loin). On note l’aggravation de certains problèmes urbanistiques (absence de parkings, bouchons de circulation), les contrastes et la dualisation accrue entre quartiers, les éventuels effets pervers des politiques de quartiers qui ne touchent pas aux problèmes les plus fondamentaux mais risquent de marquer ou stigmatiser ces quartiers. Une réponse signale le manque de prise en compte réelle des problèmes des gens au C.P.A.S. (mais cela concerne aussi les Belges, ajoute-t-on).
Parmi les problèmes fondamentaux (qui ne dépendent que peu de la commune), on cite l’emploi, surtout des jeunes, et la misère sociale.
Enfin, dans les réponses des jeunes, plusieurs mettent l’accent sur le racisme des gens, le manque d’entraide et de connaissance mutuelle, de respect et de sociabilité, la violence, les trafics.
Troisième question : Améliorations à apporter.
Équipements sportifs et culturels. Espaces aérés. En particulier, espaces verts pour jeunes enfants. Les jeunes souhaitent des activités organisées, notamment pour les filles, des soirées… Un d’entre eux, qui parle du manque de respect et de sociabilité, souhaite des conférences pour les jeunes sur ces sujets. Une personne constate qu’on n’a pas de nouvelles de la bibliothèque de la rue Thiéfry ; une autre souhaite une bibliothèque dans le quartier Josaphat. Une réponse porte surtout sur l’école : elle préconise une série de mesures (inspirées notamment d’expériences américaines) pour faire cesser les écoles ghettos. En ce qui concerne l’emploi des jeunes, une question est posée : « Pourquoi le chantier Rasquinet n’emploie-t-il pas quelques jeunes du quartier ?
Rénovation urbaine concertée, amélioration des bâtiments, nettoyage des tags. Amélioration du logement social. Besoin de travailleurs sociaux en première ligne, capables d’accueillir les personnes dans leur langue. (Meilleur accueil aux guichets, au C.P.A.S.).
Quelques points plus particuliers : boucher les trous des rues ; mettre des feux rouges, rue Royale Ste Marie ; améliorer l’horaire du passage des poubelles (p.ex. chaussée de Haecht, elles passent le vendredi à 21 h.30 quand les restaurants sont pleins) ; enfin deux réponses demandent l’abolition de la taxe sur les antennes paraboliques.
Deux informations complémentaires.
Dans les échos du Conseil communal du mercredi 13 mai, communiqués en début de réunion, deux points concernent notre sujet. Tout d’abord, on a appris que la commune avait décidé l’aménagement de 8 jardins publics pour enfants et adolescents (par catégories d’âges : 2 à 6 ans, 6 à 12 ans, 12 à 15 ans).
D’autre part, après un débat qui a mis en relief les divisions de la majorité mais aussi la détermination de ses composantes les plus progressistes, le Conseil a voté (par 26 voix contre 3 et 12 abstentions) une résolution concernant l’installation d’une parcelle islamique dans le cimetière. Si, dans les six mois, une solution n’est pas décidée au niveau de la Région, la commune de Schaerbeek ouvrira une parcelle islamique dans son cimetière. On signale aussi que pour l’aménagement du quartier Gaucheret, les projets et procédures sont en route.
Débat de l’Assemblée.
En complément et commentaire de l’enquête, Jean Marie Leconte, responsable de Bouillon de Culture, confirme que les rapports de collaboration entre la commune et les associations se sont fort améliorés. Autrefois (du temps de Nols), il n’y avait rien. Cela s’est un peu amélioré à la fin de la législature précédente, mais il n’y avait toujours pas d’intérêt pour ce qui se faisait à la base. Aujourd’hui, les échevins (De Herde, Winkel et Clerfayt) sont à l’écoute, ils réajustent leurs positions quand on leur fait connaître les réalités du terrain et les besoins réels. Dans le domaine de la Jeunesse, l’échevin De Herde affirme sa direction, se donne les moyens, recrute des animateurs. Au début, dans le quartier Josaphat, l’Olivier, Thiéfry, des animateurs entraient en concurrence avec des structures déjà implantées ; on en a parlé et le problème a été résolu ; les animateurs en surcroît ont été transférés dans un autre quartier.
Pierre Massart enchaîne en parlant de l’initiative locale de quartier dont bénéficie le quartier Côteaux- Haecht- Philomène. Aux réunions de concertation, le quartier a pu envoyer trois représentants élus (+ deux suppléants) et ils ont vraiment eu la parole. En sont sortis 53 mini-projets pour l’amélioration de l’environnement. Très positif, bien que ponctuel.
Une médiatrice scolaire confirme que les communautés d’origine immigrée apprécient le changement ; ils sont heureux que des étrangers soient engagés par la commune et y aient un bureau. (Un bémol : pour les jeunes universitaires d’origine étrangère, les seuls postes disponibles sont ceux d’animateurs, éducateurs de rue, médiateurs…)
Des questions sont posées concernant les restrictions à l’inscription et les taxes exigées pour le renouvellement de divers documents officiels. D.S. demandera une information complète sur le tarif des actes administratifs et sera attentive à le faire respecter. Quant à la taxe sur les antennes paraboliques, il semble (information d’un conseiller communal) que sa suppression (ou sa limitation à une taxe sur l’installation) est envisagée. D.S. doit demander sa suppression, parce qu’elle est en pratique une discrimination à l’égard de certains étrangers.
Malgré l’amélioration évidente, des points noirs et des questions subsistent.
Premier gros point noir : la police. On apprend qu’un document sur l’évolution nécessaire de la police a été remis la veille aux conseillers communaux et que le prochain Commissaire sera nommé en juin. Mais jusqu’ici, rien n’a été fait ; il faut rester vigilant, plus encore en ce moment où la réforme générale des polices ne peut manquer d’avoir des répercussions sur la situation dans la commune.
Un autre point est évoqué : la situation des écoles du bas Schaerbeek. La commune a fait un réel effort : rénovation des bâtiments, moyens pédagogiques nouveaux. La question des écoles-ghettos, défavorisées, a été débattue assez longtemps : est-il vraiment possible d’aller contre cette discrimination de fait, qui dépend de l’implantation des habitants ? Des déplacements forcés d’élèves ne semblent pas envisageables. Au moins faudrait-il donner des moyens supplémentaires à ces écoles (moins d’élèves par classes, etc.)
En ce qui concerne les guichets et l’accueil dans les différents services communaux, comme on l’a vu, les avis sont partagés. D.S. soumettra la question à l’échevin de l’État Civil, Van Gorp et demandera une information sur l’organisation (présente et en projet) de la salle des guichets. De toute façon, l’engagement de personnes capables d’accueillir dans leur langue les personnes d’origine étrangère (aux guichets, à l’hôpital …) est vivement souhaité.
Dernière question cruciale : actuellement, beaucoup d’initiatives sont financées par des fonds régionaux, voire fédéraux, pour des projets ou contrats à durée limitée. Qu’adviendra-t-il quand cette durée sera échue ? Que fera la commune ? C’est alors qu’on pourra juger de sa volonté politique.
Quant aux initiatives à promouvoir (outre les différents points de « vigilance » déjà signalés), la commune devrait soutenir et même initier des expériences interculturelles dans l’école et au-delà. L’échevin n’est pas encore convaincu que ces expressions (théâtre p.ex.) brassant des enfants d’origines différentes peuvent être un levier fondamental d’intégration. Dans le même sens, il faudrait encourager les clubs sportifs que fréquentent des jeunes étrangers, favoriser le brassage.
Quelques dates.
1. Prochaine A.G. : le mardi 10 novembre. Elle abordera la politique de la santé, en particulier le problème de l’hôpital. Colette Scheenaerts coordonne, elle souhaite recevoir les informations dont chacun pourrait disposer, les suggestions de personnes à contacter, etc.
Les thèmes suivants seront l’enseignement et la refonte du C.P.A.S. On prépare aussi une rencontre avec les associations flamandes actives sur la commune dont beaucoup sont proches de nous mais qui nous sont trop peu connues.
2. Bureau élargi, le 8 septembre.
3. Soirée festive le samedi 12 septembre (pour plus d’informations voir à différents endroits de ce bulletin).