Quelle joie d’avoir pu compter plus de cinquante personnes à l’assemblée générale de Démocratie Schaerbeekoise consacrée à la démocratie participative « à Schaerbeek comme au Brésil : chiche ! » et quelle baume pour le cœur de l’auteur de ces lignes qui déplorait la douzaine de participants à « l’assemblée » précédente.
Tout a commencé par la vision d’un reportage de France 3 intitulé « La ville est à nous : à Porto Alegre, les habitants gèrent vraiment leur ville », une émission d’une trentaine de minutes dans la série « SAGACITES » :
En 1988, le Parti des Travailleurs gagne les élections de cette ville d’un million trois cent mille habitants et propose de faire participer les habitants à la gestion d’une partie du budget de la ville. L’année suivante, environ 20.000 personnes sont concernées à l’aide de vidéos qui montrent les divers besoins d’une population très pauvre et sont invitées à élire des conseillers par quartier. Que de difficultés pour mobiliser les gens qui finissent par constater que c’est plus qu’une consultation, c’est tout un processus de décision et de suivi des décisions prises qui est enclenché.
C’est ainsi qu’en 11 ans, l’équivalent de trois milliards de francs belges ont été investis sur base de décisions des habitants, en vue de plus de social dans la ligne de leur utopie, de leurs rêves. Il s’agit d’un processus largement plus démocratique que notre démocratie représentative classique dans la mesure où les citoyens eux-mêmes décident de l’affectation d’un budget et en contrôlent la bonne exécution : ils sont fiers de pouvoir discuter d’égal à égal avec les experts, les politiques, l’administration !
Chaque année, les seize arrondissements de la ville élisent deux conseillers bénévoles qui devront discuter et faire voter cinq priorités, selon des règles claires qui ont été progressivement mises au point. Le maire actuel précise qu’il ne faut pas y trouver une recette miracle, mais la démarche visant à réduire la délégation de pouvoir lui paraît essentielle. Les conseillers apprennent à se situer au niveau de l’ensemble de la région et non à celui d’intérêts particuliers : la solidarité doit s’apprendre aussi, même si on constate que ce sont surtout les plus pauvres qui s’engagent, ceux qui ont le plus à y gagner.
Actuellement, ce type d’expérience concerne déjà septante villes au Brésil et s’étend progressivement au régional et même au national.
Nous avons entendu ensuite divers intervenants auxquels l’objectif de la soirée a été rappelé : pas se complaire dans l’exotisme, mais se demander ce qu’une telle expérience peut signifier pour nous, vivant à Schaerbeek :
Patrick SENELART, du groupe « Habitat et Participation » basé à Louvain-la-Neuve et attentif à promouvoir les processus participatifs, souligne certaines particularités de Porto Alegre : le maire y est élu directement, il y règne une très grande pauvreté et ce sont surtout les plus pauvres qui participent à cet outil qui a reçu une base légale. En Belgique, le budget qui devrait être la traduction de la volonté politique des habitants, est mis en œuvre par quelques experts commis par une majorité composite sans véritable contrôle des élus et moins encore des habitants. Ces derniers peuvent simplement assister au Conseil Communal sans pouvoir y prendre la parole, ils peuvent éventuellement prendre connaissance du budget mais sans clé de lecture. Pourtant, des petits pas semblent possibles : une charte européenne datant de 1955 invitait déjà les communes à promouvoir la participation des citoyens, mais sans en définir les moyens. Plus récemment, le Contrat d’avenir pour la Wallonie dégageait un budget pour soutenir des initiatives de participation, mais qui veut participer, avec qui (élus, administration, autorité) et comment ?
Tamimount Essaïdi, échevine à Schaerbeek, s’est rendue récemment à Porto Alegre. Elle y a constaté une très grande pauvreté mais aussi la réelle transparence du budget. En Belgique, on croule sous les consultations, les instances de coordination aux pouvoirs mal définis ; le budget communal est illisible pour un non initié. « Je dispose de vingt millions pour l’intégration sociale : comment le dépenser ? avec quels outils ? »
Un conseiller communal à Saint Gilles évoque la création d’un collectif de citoyens qui se sont mis à l’écoute des « gens de l’ombre », les personnes plus âgées surtout, et qui, à partir de leurs besoins, a pu créer de l’emploi (artisanat du fer forgé, école de techniciens d’ascenseurs) et interpeller le pouvoir communal. C’est ainsi qu’on a élu des délégués de quartier (= 5 rues) pour une durée de deux ans en vue de proposer des réponses à des besoins de santé, de logement, de loisirs, mais le financement, actuellement privé, devrait être pris en charge par la commune.
Un conseiller communal d’Anderlues constate qu’au Brésil comme en Belgique, il y a un énorme fossé entre le citoyen et le politique. Pourtant, à Porto Alegre, 200.000 citoyens participent activement à l’expérience. Ici, les politiques ont peur de perdre leur pouvoir. Par exemple, un budget de deux cent mille francs a été dégagé pour ériger un monument à la mémoire des enfants disparus : pourquoi ne pas demander aux enfants ce qu’ils veulent ? Les gens ne viendront que s’ils voient qu’ils peuvent effectivement obtenir quelque chose.
C’est au tour de « la salle » de réagir et de faire des propositions :
Étonné de voir comment des luttes populaires ont finalement été confisquées par la « démocratie représentative » ; on devrait commencer ce processus à l’école si les directions sont effectivement prêtes à céder une partie de leurs pouvoirs.
A Schaerbeek, qui peut se retrouver dans la complexité du budget ? Comment obliger à le clarifier ? C’est possible, mais il faut se former et être informé ; on peut trouver des alliés dans l’administration elle-même. On a essayé de débroussailler le budget et de le comparer sur plusieurs années. Il faut savoir que c’est le législateur lui-même qui a imposé une nomenclature compliquée, qui ne permet pas une comptabilité analytique en sorte que le simple citoyen ne s’y retrouve pas. Cette opacité technique n’est pas innocente. Les élus eux-mêmes ne s’y retrouvent pas, alors que dire des citoyens ? Pourtant, une vraie démocratie participative peut faire prendre conscience à la population des contraintes imposées au pouvoir politique (exemple : le poids de la dette au Brésil)
La consultation n’est pas la participation. Si on ne fait que consulter sans autre suite, on démobilise : elle n’entraîne aucune décision contraignante ni aucun contrôle. L’abondance des consultations non contraignantes décourage et ce n’est pas innocent non plus. On a beaucoup parlé de participation au début de la législature, mais qu’en est-il résulté ?
Il importe d’introduire de la transparence dans les procédures d’attribution des budgets. « Réussir quelque chose » ne suffit pas : il faut établir des règles qui permettent de reproduire une expérience. Des procédures claires permettent de réussir dans la durée. Encore une fois, être consulté n’est pas encore participer : il faut aboutir à des décisions contrôlées.
D’autres propositions en vrac :
Pourquoi ne pas interpeller le pouvoir communal sur cette question : établir le budget 2002 sur des bases accessibles à la population.
Consacrer 1% du budget communal (soit 70 millions) à un budget participatif
Commencer par un petit budget, c’est le processus qui importe, dépasser les limites de la démocratie représentative
Avoir 3 minutes pour interpeller le pouvoir à l’aide de vidéo pour montrer les besoins
Mettre sur pied un groupe de travail chargé d’initier un projet modeste, mais qui s’inspire vraiment de cette méthode – faire appel pour cela à des personnes ressources – demander l’aide de l’administration – proposer un « règlement participatif »
Patrick signale qu’il a écrit au pouvoir communal de Schaerbeek, comme à celui de Bruxelles ville, d’Ixelles, en vue de la mise en place d’un processus participatif dans la commune. A Bruxelles, il y aura quelque chose dans deux quartiers. Il faut profiter de la chance d’avoir des alliés dans le collège échevinal, chez des élus et dans l’administration.
Démocratie Schaerbeekoise, qui est un groupe pluraliste, devrait pouvoir initier un tel projet. Il faut un budget suffisant et qui concerne vraiment la vie collective.
Finalement, l’idée d’un groupe de travail temporaire, chargé d’initier un projet de démocratie participative à Schaerbeek est retenue. Une première rencontre est prévue le mardi 4 décembre. Comptent participer au groupe (qui reste ouvert) : Elsa, Christian et Colette, Sabina, Béatrice, Etienne, Lydia, Myriam, Emmanuel, Guy, Andréas, Nanette, Felipe et André DEGAND (tél. : 02/242.48.81) qui en est la personne de référence.
DIVERS
Suite au rejet par la tutelle du budget communal 2001, une politique pluriannuelle d’austérité a été évoquée au conseil communal de ce 7 décembre axée autour de trois points : augmentation de la fiscalité (notamment augmentation du précompte immobilier et diminution des additionnels à l’impôt des personnes physiques), meilleure maîtrise des coûts (contrôle des fêtes et activités débridées) et abandon de missions jugées non essentielles (cession de routes, de parcs, d’égouts, d’école supérieure)
Rappel du calendrier : la prochaine A.G. est fixée au mardi 19 février 2002 ; le thème en sera fixé à la réunion élargie du bureau le mardi 11 décembre chez Sylvie ; le bureau restreint se réunira le 31 janvier 2002.