cc 2016-10-26 – Règlement de travail – Signes d’appartenance

Point 46. Il s’agit d’approuver le règlement de travail du personnel enseignant de l’Académie de musique de Schaerbeek.

L’Echevin DE HERDE explique que tous les règlements de travail issus des décrets de la Fédération Wallonie-Bruxelles sont passés au Conseil, mais qu’il restait l’enseignement artistique. Ils ont suivi le même modèle, et les syndicats ont marqué à l’unanimité leur accord sur ce règlement. Il rappelle en passant que l’enseignement artistique (horaire réduit) donne droit à des certifications mais surtout que la Commune est membre du réseau de l’enseignement neutre subventionné. Le règlement qu’on présente au Conseil aujourd’hui interdit aux enseignants d’arborer des signes d’appartenance politique, syndicale ou religieuse.

Pour M. BERNARD, ce règlement pose problème. Il soutient certes l’obligation de neutralité, mais c’est le prosélytisme qu’il faut sanctionner, pas les signes d’appartenance (un foulard ou un pin du Che) car ça, c’est une politique de l’anti-vivre ensemble. L’interdiction a en effet pour conséquence concrète d’exclure des jeunes femmes du marché de l’emploi. Il présente donc un amendement au projet de règlement. Et il demande un rappel à l’ordre immédiat de l’Académie, qui a déjà publié sur son site Internet que ce règlement est adopté : cette mention doit être retirée !

Mme ÖZDEMIR, qui a co-signé l’amendement, s’étonne qu’on veuille prendre une décision sur un cas qui ne se produit pas : il n’y a pas eu de prosélytisme à l’Académie de musique. Elle trouverait bien d’ailleurs d’avoir quelqu’un qui porte un signe convictionnel et qui enseigne le violon par exemple. Elle ne voit pas la raison de ce changement : y a-t-il une demande ? S’est-il produit un incident ? Si on veut investir dans la neutralité, investissons plutôt dans le service au citoyen pour servir équitablement la population.

Mme ONKELINX (PS) précise que ce règlement a été adopté à l’unanimité des organisations syndicales, et par le Collège. Elle va respecter cet accord. Cela étant, la réflexion portée par M. BERNARD est importante et difficile. Mme ONKELINX explique qu’on en parle à la Chambre dans la perspective de la révision de la Constitution : la Commission auditionne des experts, et ses membres sont effectivement opposés aux discriminations et désireux de favoriser le vivre-ensemble ; la Commission réfléchit donc au moyen d’atteindre ces objectifs : exclure les signes convictionnels pour garantir la diversité et l’absence de contrainte ? Ou les admettre, sachant qu’ils sont stigmatisants ? Elle souhaite une réflexion sur le sujet, un beau débat de fond, mais pas à l’occasion de l’adoption d’un règlement de travail, et sans s’engluer dans des positions pour faire plaisir à un certain public.

Mme DURANT pourrait suivre M. BERNARD. Il y a matière à discuter sur la neutralité, mais cette politique doit se construire – étape par étape – en associant plus largement que ce n’est le cas, et pas en rapports de force. Si une réflexion a lieu, elle doit se tenir à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il faut éviter la logique d’une école contre l’autre, d’un réseau l’un contre l’autre ; il ne faut pas que chacun doive choisir dans son coin, c’est injuste pour les élèves. Elle rencontre beaucoup de jeunes femmes exclues, impatientes. Son groupe est désireux d’avancer sur ce sujet avec, pourquoi pas, une contribution des Schaerbeekois – mais sur un terrain qui mette tous les gens sur le même pied. Le chemin va prendre du temps, il faut construire une alliance, travailler sur le regard sur l’autre, pas seulement sur la qualité du service rendu.

M. VERZIN prend acte de l’accord des organisations syndicales. Il n’est pas pour un amendement quelconque. Son parti a lancé le travail à la Chambre sur la laïcité, la politique et la neutralité de l’Etat. Pour lui, les événements tragiques récents doivent amener à faire preuve de réflexion, de pondération mais aussi « de fermeté dans l’affirmation des valeurs qui fondent notre démocratie. Les valeurs auxquelles nous adhérons veulent qu’on respecte les convictions si elles sont exprimées dans le cadre privé. » Le débat au niveau du fédéral devra se prolonger au niveau de la Communauté, qui se décharge facilement de la question sur les établissements. Il faut analyser tous les ingrédients d’un débat beaucoup plus large, ne pas improviser et éviter les positions électoralistes, comme il les voit apparaître. Il voit à ce débat le mérite de clarifier les positions des uns et des autres.

M. BOUHJAR soutient l’amendement de M. BERNARD. Il ne pense pas qu’un enseignant soit concerné. Il ne veut pas se déchirer avec l’un ou l’autre. Il en appelle à MM. DE HERDE ou CLERFAYT, qui sont souvent de bonne composition et ont le souci du vivre ensemble. Selon lui, ceux qui pensent qu’une loi ou un règlement feront évoluer les mentalités se fourrent le doigt dans l’œil. Beaucoup d’écoles modifient les ROI et pratiquent une politique d’exclusion : il ne faut pas s’étonner d’avoir des jeunes qui se radicalisent, car beaucoup pensent qu’ils sont discriminés – même s’ils ne l’ont pas été vraiment … Il demande qu’on comprenne les enfants qui voient leur mère se faire exclure, ça les marque à vie. Le Conseiller PS demande qu’on soit plus humain, et qu’on passe au-delà de nos différences. « C’est comme en religion : chacun a ses textes, chacun ses interprétations ».

M. DÖNMEZ rappelle les politiques de diversité initiées par MM. DE HERDE et CLERFAYT, mais rejoint M. BERNARD et Mme ÖZDEMIR : « La neutralité ne signifie pas la même chose pour tout le monde. » Le débat est délicat mais il invite à se mettre autour de la table pour que tous les Schaerbeekois s’y retrouvent.

L’Echevin DE HERDE précise qu’effectivement, il ne s’agit pas d’éteindre un incident, aucun enseignant ne souhaite porter un signe. Et, si on n’adopte pas ce règlement aujourd’hui, l’Académie continuera à fonctionner. Il rappelle qu’il y a des réseaux libres depuis le XIXe siècle, et donc une liberté de choix pour les parents, les élèves et les travailleurs. Si une confession ou un projet pédagogique ne convient pas, le travailleur peut choisir. Mais la spécificité de l’officiel, c’est la neutralité.

M. BERNARD fait remarquer que l’on parle justement ici d’un secteur où il y a un monopole communal … Cela étant, il salue le débat mesuré (moi aussi …). Il précise qu’il défend la laïcité qui protège et défend les convictions de chacun, pas celle qui exclut. Il reprend le plaidoyer pour son amendement, qui ne changerait pas l’esprit du décret alors que le règlement dont on parle ajoute des phrases excluantes. Il souhaite un vote sur leur suppression.

Mme ÖZDEMIR s’inquiète du raccourci avec les attentats, car ça crée de la division et de la frustration. Elle appelle à voter l’amendement au nom de l’égalité homme-femme.

Mme ONKELINX reprend la parole (je salue à nouveau le ton mesuré) : le débat est de qualité, elle souhaiterait qu’on approuve ce que les syndicats ont accepté, et qu’on trouve un consensus sur le sujet ; ce serait plus utile d’être à l’initiative d’un débat que de se lancer dans un vote qui va vider la réflexion ; le moment n’est pas opportun même si « ce serait un avantage électoral, sans doute … »

M. BERNARD persiste dans sa demande d’un vote. Qui intervient, nominalement. Voilà qui va laisser des traces …

Avec M. BERNARD et Mme ÖZDEMIR, MM. ÖZKARA, DÖNMEZ et BOUHJAR votent pour l’amendement, donc pour la suppression de la phrase sur les signes d’appartenance.

S’abstiennent Mmes SANHAYI et METTIOUI (qui estime que la position doit être prise au niveau de la Communauté française) ainsi que MM. EL ARNOUKI, REGHIF, ECHOUEL et SAG (lequel aurait souhaité le report du point et propose d’inviter les associations qui se sentent discriminées pour expliquer la neutralité).

Votent pour le maintien du texte Mmes VAN ZUYLEN, TRACHTE, SÖNMEZ, VRIAMONT, GÜLES et ONKELINX, ainsi que MM. CLERFAYT, EL MASLOUHI, van den HOVE, KÖSE, ERALY, KÖKSAL, PLATTEAU, DEMIRI et GUILLAUME.

(C’est allé vite, je ne prétends pas être exhaustive, désolée pour ceux dont je n’ai pas pu noter le vote …)