La presse s’est faite l’écho dernièrement des diatribes de l’échevin MR Michel De Herde annonçant la « faillite » de l’Hôpital Brugmann, dont le site P.Brien dessert Schaerbeek et les communes avoisinantes en leur offrant également un « SMUR » (service médical d’urgence). Ces déclarations ont provoqué une vive inquiétude au sein des patients, du personnel, et des fournisseurs de notre hôpital public. Elles ont été perçues comme un appel à l’abandon et à la fermeture de cette institution de soins, basé exclusivement sur des considérations budgétaires quant à l’impact du déficit sur les finances communales.
Au-delà du côté irritant de ce discours, et au vu du trop bref échange qui a eu lieu à ce propos au Conseil Communal, je voudrais revenir sur les questions de fond qu’il n’a pas vraiment soulevées.
Premier constat : l’entité Brugmann-Brien est le seul hôpital public au Nord-est de la Région de Bruxelles-Capitale.
L’hôpital public est par définition « l’hôpital de tous », quelle que soient les origines, les revenus,, et les opinions religieuses ou philosophiques des patients.
Sans avoir le monopole de l’attention aux populations en difficultés sociales, il est cependant un acteur essentiel et indispensable de la politique de santé.
Son existence et son développement sont donc un enjeu important si l’on veut empêcher une situation de monopole en faveur du réseau des hôpitaux privés confessionnels, mais aussi si l’on veut promouvoir la qualité de la santé de nos concitoyens, particulièrement ceux qui disposent de peu de revenus.
Deuxième constat : le site de P.Brien est un peu le « monstre du Loch Ness » de la politique communale depuis près de 20 ans. Avant d’être intégré au sein de Brugmann dans le cadre du réseau IRIS des hôpitaux publics Bruxellois, l’hôpital P.Brien, entité dépendant à l’époque du CPAS de Schaerbeek, a connu une gestion parsemée d’incidents et de difficultés.
Souvenons-nous du projet de nouvel hôpital de l’époque Nolsiste qui échoua et qui fut reconverti intelligemment dans les années ’90 par un jeune échevin de l’Urbanisme nommé B.Clerfayt.
Mais rappelons-nous aussi le mystère des comptes de l’hôpital et du CPAS : lorsque les nouveaux élus du Conseil de l’Aide Sociale ont pris leurs fonctions en 1994 (parmi eux mon regretté ami Christian Lesenfants, mon collègue André Cocle et moi-même), ils se virent opposer toutes sortes de résistances lorsqu’ils voulurent clarifier l’héritage du passé. Une approche démagogique facile aurait amené à pointer le doigt vers l’ancien maïeur (et médecin de P.Brien) F.Duriau, mais elle s’avéra vite simpliste et inopérante. Ce qui paraît certain, mais P.Brien n’en eut pas le monopole, loin de là. C’est que pendant longtemps les médecins ont disposé au sein de l’hôpital d’un pouvoir exorbitant et que les gestionnaires se trouvaient dans un rapport de forces peu favorable. Dans ce type de climat les dysfonctionnements, y compris budgétaires, ne peuvent que croître et embellir.
Aujourd’hui heureusement nous ne sommes plus dans ce type de scénario, suite à la réforme IRIS, et les comptes ont été clarifiés (merci D.Decoux !).
Troisième constat : nous manquons singulièrement d’une politique de santé progressiste sur Schaerbeek, voire sur Schaerbeek-St Josse, alors même qu’un grand nombre de structures y sont actives : maisons médicales, plannings familiaux, médecins généralistes dynamiques et insérés dans leurs quartiers, CPAS développant une approche intelligente des soins aux bénéficiaires de l’aide sociale et du Revenu d’Intégration Sociale par l’octroi d’une « carte santé », hôpital public disposant notamment d’un excellent département pour les soins aux personnes âgées qui fait référence au sein du réseau IRIS.
Entre ces acteurs pas de coordination, peu de dialogue, et donc pas de synergies.
Lorsque l’auteur de ces lignes tenta voici quelques années de provoquer une rencontre il se vit opposer des clichés ; à titre d’exemple: « les généralistes sont tous des calotins » (curieux : les statistiques montrent qu’ils adressent un nombre important de patients à l’hôpital St Pierre), « P.Brien n’envoie les résultats d’examens qu’ avec un retard monstre » (comme si c’était le paradis dans les autres structures hospitalières…). Il est malheureusement probable que mes interlocuteurs de l’époque continuent à se regarder ainsi en « chiens de faïence ».
Le seul acteur à entretenir des relations structurées et plus ou moins sereines avec l’ensemble des autres intervenants me paraît être le CPAS. Si l’on se rappelle que sa mission est beaucoup plus large que la seule aide financière aux personnes en difficultés, on pourrait donc considérer que c’est l’acteur politique qui pourrait contribuer à faire bouger les choses.
Face à ces trois constats et à la période difficile que connaît actuellement Brugmann-Brien, on est en droit d’attendre des choix politiques plus clairs de la part de nos élus locaux ou régionaux, et en ce qui me concerne c’est particulièrement vers les deux formations de gauche que je me tourne : les verts au pouvoir aux deux niveaux, les rouges dans l’opposition à Schaerbeek mais au pouvoir régional (sans oublier la structure IRIS).
Jean-Paul GAILLY
Ancien Administrateur de l’hôpital Brugmann-P.Brien