La deuxième rencontre organisée par D.S. sur l’avenir de la région bruxelloise, est centrée sur les rapports entre cette dernière et les 19 communes qui la composent. C’est le professeur Joost Vaesen de la V.U.B. qui anime cette soirée du 21 avril dernier.
Il plante le décor par deux citations polémiques d’hommes politiques. Pour Vincent De Wolf, bourgmestre d’Etterbeek, « la région considère les communes comme de petites féodalités. » Pour Willy Tobback, ancien ministre et bourgmestre de Leuven, « A Bruxelles, on a un ministre de la ville : c’est l’exécutif régional avec son ministre – président… ! »
L’orateur nous présente plusieurs types d’autonomie des pouvoirs locaux, en fonction de critères politique et juridique. Ainsi, Bruxelles bénéficie d’une autonomie politiquement étendue, mais juridiquement limitée.
J. Vaesen relève plusieurs évolutions. Dans les années 60 – 70, on note dans nos structures belges une tendance vers plus de fusion ou de consolidation ; dans les années 70 – 80, le mouvement s’inverse, en développant une logique de fragmentation ; dans les années 1990- 2000, on s’oriente vers davantage de coopération, à l’exemple de la création de zones intercommunales de police.
Les grandes villes européennes ont généralement institué deux niveaux de pouvoir : une instance décentralisée pour satisfaire le besoin de proximité et une autre instance plus globalisante qui facilite les planifications indispensables et permet des économies d’échelle.
Autre évolution dans le domaine financier : les budgets de « la Région de Bruxelles-Capitale » sont plus élevés que les budgets communaux, ce qui n’était pas le cas à la création de la région. Il est aussi significatif de constater que les montants des subsides « dits inconditionnels » aux communes ( = celles-ci décident librement de leur utilisation…) diminuent par rapport aux montants des subsides « conditionnels ». Soulignons enfin que le Fonds des communes, une des principales sources de financement des municipalités, a introduit un nouveau concept de solidarité intercommunale, en tenant ( un peu plus …) compte des énormes disparités de ressources entre les communes riches et pauvres de la région : ainsi Schaerbeek a vu sa part du Fonds augmenter, tandis que, par exemple, Woluwé-St-Pierre y a ( très logiquement ) perdu !
L’orateur traite ensuite des divers mécanismes de pression que les communes utilisent pour que leurs demandes soient rencontrées par les autorités supérieures : contact direct avec des ministres régionaux, actions médiatiques et symboliques, interpellations juridiques du Conseil d’Etat, interventions collectives dans le cadre de la Conférence des 19 Bourgmestres et Echevins ainsi que d’autres formes plus discrètes de lobbying.
J. Vaesen nous livre une série de tableaux chiffrés éclairants ( mais impossible de les noter au vol…) concernant les cumuls de mandats locaux, régionaux et fédéraux d’un grand nombre de personnalités politiques bruxelloises.
Saviez-vous par exemple qu’un mandataire francophone de la capitale peut avoir jusqu’à 6 « casquettes » : être à la fois parlementaire régional, de la COCOF, de la COCOM, de la Communauté française, sénateur et conseiller d’agglomération (une quasi fiction administrative dont plus personne ne parle !) ? Ce qui a pour effet que certains élus sont appelés à siéger dans 5 assemblées parlementaires ! (l’assemblée de l’ « agglo » étant identique à celle de la Région.)
Saviez-vous aussi que : – seuls 29 % des députés et sénateurs fédéraux n’ont pas de mandat communal ? – 76 % des parlementaires bruxellois disposaient, en 1989, d’un mandat local ; en 2004, ils n’étaient plus que (!) 65 % ?
– que la plupart des bourgmestres de Bruxelles sont en même temps parlementaires (fédéraux ou régionaux) ?
Les arguments en faveur ou contre les cumuls sont bien connus : enracinement local, meilleure représentativité et défense des intérêts locaux, plus grande indépendance par rapport aux chefs des partis, d’une part, concentration excessive du pouvoir entre les mains d’une élite restreinte, incapacité à remplir correctement toutes les tâches, absentéisme, risque de conflits d’intérêts, d’autre part.
L’intervenant rappelle enfin que la pratique politique bruxelloise ( et belge…) se caractérise fondamentalement par la recherche permanente de consensus, par la mise au point de compromis subtils, bref par un pragmatisme très « basique ». Le système bruxellois de gouvernance est d’une complexité extrême et d’une grande opacité ; le contrôle démocratique y est donc très difficile à assurer !
Commentaire final : dans pareil contexte, comment encourager la participation citoyenne du plus grand nombre ?