Depuis 15 ans sûrement, Démocratie Schaerbeekoise demande l’installation d’un ombudsman (médiateur) communal. L’accord de majorité communale le prévoyait en 2000 comme en 2006 ; CDH et PS l’avaient également inscrit dans leurs programmes électoraux en 2000 ; en 2005, le CDH demandait au Conseil communal qu’on l’instaure. L’auto-évaluation réalisée en 2010 par la majorité le mentionne comme un des rares points du programme qui n’a pas été réalisé …
Mais que serait-ce en fait, un ombudsman ? Comment devrait-on l‘instaurer ? Et quels enseignements peut-on tirer des expériences faites ailleurs ?
Il y a des ombudsman dans un certain nombre des villes belges : à Anvers, Gand, Malines, La Louvière, Charleroi, Woluwe-Saint-Lambert, Molenbeek, … Je viens de lire un livre paru en 2004 : « De ombudsman van de stad », écrit par celui qui à l’époque était ombudsman flamand, mais qui, ici, évoque son expérience antérieure comme ombudsman de la ville d’Anvers (Bernard Hubeau; éditions EPO, Berchem).
L’auteur replace la revendication d’un ombudsman dans un cadre historique des courants réformateurs :
années 70 : co-décision et démocratie des conseils ;
années 80 : fonctionnaires d’information et politique de communication ;
années 90 : participation directe du citoyen, ouverture, referenda, orientation vers le client et vers les quartiers ;
années 2000 : nouveau management public, orientation vers les prestations, concentration sur les tâches essentielles, monitoring, administration interactive, e-gouvernment, …
Le livre contient ensuite une série de récits sur la réalité anversoise qui amènent le sentiment inattendu que les choses fonctionnent mieux à Schaerbeek avant même que nous n’instaurions notre ombudsman… Chez nous, par exemple, les jardiniers communaux n’oublient pas le cimetière, qui n’est pas envahi de dépôts clandestins ; aucun doute que notre secrétaire communal recevrait plus qu’une fois par an l’éventuel ombudsman ; notre bourgmestre et nos échevins me semblent aussi beaucoup plus réceptifs aux demandes émanant de la population que leurs homologues anversois … Cela étant, on ne peut sans doute pas comparer Schaerbeek en 2012 avec l’Anvers des années 90 que décrit le livre, …
Mais revenons au centre de nos préoccupations : tout d’abord, ombudsman et service des plaintes sont deux choses différentes : ils sont utiles tous les deux et il faudrait instaurer les deux à Schaerbeek. A ce jour, ni l’administration ni la politique communales ne semblent disposer d’un système de traitement des plaintes. L’idéal est un service au sein de l’administration qui rassemble les plaintes, les relaye aux services compétents et en assure le suivi pour l’interpellant. Il s’agirait pour ce service de garantir au plaignant que l’administration prenne position sur sa plainte, et cela dans un délai fixe et annoncé (par ex. 45 jours à la Communauté flamande).
Un service d’ombudsman bien installé serait le plus indépendant possible de l’administration communale, il ne devrait être soumis ni à la tutelle d’un directeur ou d’un échevin, ni au bourgmestre ni au secrétaire communal. Le modèle à suivre, c’est la mise en place de l’ombudsman directement par le Conseil communal qui lui confie un budget et un cadre de personnel propres.
L’ombudsman n’intervient qu’en deuxième ligne, après les procédures de plainte installées par l’administration. Il ne lui appartient pas de commenter les choix politiques du Conseil ou du Collège. Il s’occupe de la proportionnalité, de l’accessibilité de l’action du pouvoir communal, du traitement correct de la population, mais aussi de la légalité, surtout dans le sens de l’égalité de traitement. Au-delà, il pourra lui arriver de critiquer les règles en vigueur mais uniquement lorsque se présentent des cas que le régulateur n’a pas prévus ou lorsqu’une règle a des effets collatéraux non voulus …
Lorsqu’il reçoit une plainte individuelle ou lorsque lui-même rencontre un dysfonctionnement, le médiateur/ombudsman exerce son droit d’enquête au sein des administrations, aussi bien de la commune, que du CPAS, de la zone de police, des écoles, des ASBL paracommunales, etc. Il essaie donc tout d’abord de savoir si les faits se sont vraiment déroulés comme la plainte les décrit. Ensuite, il évalue s’il y a dysfonctionnement. Le cas échéant, il demande à l’administration de rectifier la chose. Enfin, il appartient à l’ombudsman qui constaterait d’un problème structurel sur la base d’un certain nombre de plaintes similaires, de faire des propositions pour améliorer l’action du pouvoir communal.
Durant l’année, l’ombudsman et ses collaborateurs travaillent en silence, en essayant d’obtenir des résultats directs dans la coopération avec l’administration. Mais il faut aussi prévoir qu’une fois par an, l’ombudsman présente au conseil communal et au grand public un rapport contenant ses critiques et ses recommandations. Ceci pour mettre en lumière les problèmes que rencontrent les habitants. Sans garantie toutefois que l’ombudsman schaerbeekois reçoive autant d’échos dans les médias que son homologue anversois, vu que ce qui se passe dans les 19 communes bruxelloises reste souvent un peu « en dessous du radar des médias ».
Il semble qu’à Anvers, à l’époque décrite par le livre, les édiles n’aient pas souvent donné suite aux recommandations de l’ombudsman. Notre politique locale semblant plus ouverte, un ombudsman devrait donc y avoir encore plus d’effets :-)
Reste un problème que l’ombudsman ne règlera pas : la surreprésentation dans le corps des plaignants des hommes, belges, d’un certain âge et d’un niveau d’instruction élevé. Pour résoudre cet écueil, il reste à trouver d’autres idées.