Nous, associations, syndicats, centres culturels, ONG, institutions
Parce que nous sommes profondément inquiets
- d’assister, depuis plusieurs années, à un retour d’idéologies porteuses de racisme, de sexisme, d’intolérances et, de ce fait, à une constante progression des scores électoraux des partis d’extrême droite. C’est bien sûr le cas en Flandre mais Bruxelles et la région wallonne ne sont pas épargnées. Lors des élections de juin 2004, l’extrême droite a atteint 8% en Wallonie et 10% à Bruxelles.
- Au fur et à mesure de cette évolution, les thèmes mis en avant par l’extrême droite sont devenus des enjeux politiques et électoraux importants.
Parce que nous constatons un malaise au sein de nos démocraties
- Les succès de l’extrême droite en Flandre, à Bruxelles, en Wallonie et en Europe doivent être analysés comme des symptômes d’un malaise dans la vie politique et dans la société.
- La situation socio-économique d’une large frange de la population s’est considérablement dégradée. La crise économique des années 80’ a fait place à la société morcelée des années 2000’. Le chômage et la pauvreté se sont installés durablement dans certains quartiers. La crise du logement touche une partie importante de la population et contraint les plus démunis à vivre dans des conditions indignes. Mais le malaise se répand également dans les couches plus aisées. La mondialisation ultra-libérale provoque de graves atteintes à l’emploi, à la sécurité sociale et aux conditions de vie. Les services publics font l’objet de restrictions budgétaires ou de privatisations, partielles ou totales.
- Sur le plan de la participation démocratique, une frange non négligeable de la population manifeste un désenchantement, voire une véritable méfiance vis-à-vis du monde politique. Le fossé se creuse entre les citoyens et leurs mandataires publics. Plusieurs études concernant l’électorat d’extrême droite mettent en avant, comme motivation de leur vote, l’élément de protestation contre la classe politique.
- La multiplication des niveaux de pouvoir et le morcellement des compétences a compliqué le paysage institutionnel au cours des dernières décennies. Le citoyen finit par s’y perdre…
- En toile de fond, les profondes mutations en termes de technologie, d’organisation sociale et de valeurs ont largement transformé les modes de communication et de solidarité ainsi que l’ensemble des relations humaines, concourant à la déstructuration sociale et au développement d’une certaine angoisse collective. La compétitivité, la performance et la recherche du profit matériel règlent l’ordre du monde. Les mécanismes de solidarité sont mis à mal. Le développement durable reste encore largement une utopie.
Parce que nous n’acceptons pas le racisme montant, la recherche de boucs émissaires et l’exclusion.
- Un des fondements de l’idéologie d’extrême droite est le nationalisme, qui implique l’exclusion. Tous les partis d’extrême droite jouent sur la peur de « l’Autre », la recherche d’un bouc émissaire, qu’il s’agisse de l’étranger, du musulman, du juif, du francophone ou de l’homosexuel.
- En matière de migration et d’asile, les politiques européennes et belges sont de plus en plus répressives (dissuasion des candidats à l’immigration, contrôles renforcés aux frontières, enfermement et éloignement). Ces mesures et le discours qui les accompagne contribuent à répandre des valeurs négatives (égoïsme, xénophobie) qui sont le fond de commerce de l’extrême droite.
- Or, la diversité de la société belge est une réalité irréversible. La Belgique d’aujourd’hui est composée de populations d’origine belge, européenne et extra-communautaire dont les cultures s’interpénètrent. Cette diversité est une richesse. C’est aussi un défi. La cohabitation et l’interpénétration des cultures peuvent être vécues harmonieusement à condition de développer des politiques d’égalité et d’ouverture tout en luttant contre toute forme d’intégrisme.
Parce que l’extrême droite est foncièrement antidémocratique, antisociale et antisyndicale.
- Les convictions et les valeurs que nous portons s’opposent totalement à cette vision. Notre combat pour le renforcement de la démocratie s ‘inscrit dans le cadre de la construction d’une société progressiste, démocratique, égalitaire, solidaire et pacifique. A ce titre, nous réaffirmons notre attachement aux valeurs d’égalité, de justice sociale et au respect des libertés fondamentales.
- Nous combattons l’exclusion et le rejet de l’autre, d’où qu’ils viennent. Nous nous opposons au repli identitaire ou nationaliste.
- Le récent octroi du droit de vote au niveau communal à tous les résidents étrangers constitue un progrès important.
Nous nous engageons à :
combattre l’extrême droite sur tous les fronts, y compris sur le plan électoral, où ses progrès sont les plus visibles ;
- en vue des élections communales et provinciales de 2006, nous mènerons des actions communes qui mettront l’accent sur :
- la dénonciation du vrai visage des partis d’extrême droite ;
- le rétablissement de la confiance entre le citoyen et les acteurs politiques en valorisant la parole, la participation et l’action au niveau local.
- un changement de climat politique, social et culturel, les succès de l’extrême droite n’étant que le symptôme d’un malaise plus profond, la partie visible de l’iceberg… La démocratie relève de plusieurs pôles : le politique, le social, le culturel, l’économique et l’environnemental. Nous devons agir sur ces cinq pôles ainsi que sur les médias, l’éducation et la justice.
Nous demandons aux responsables politiques
- le maintien ferme du cordon sanitaire autour des partis d’extrême droite ;
- l’application de la loi sur la suppression du financement public des partis à caractère raciste ;
- l’adoption de propositions législatives et décrétales rendant inéligibles les responsables d’organisations condamnées sur base des lois réprimant le racisme et le négationnisme ;
- d’être attentifs à ne pas développer une rhétorique ambiguë, pouvant donner du crédit aux programmes et solutions des partis d’extrême droite
- de renouer le contact avec les citoyens, de les reconnaître comme interlocuteurs et d’encourager leur participation dans la gestion de la cité en organisant davantage de rencontres et de débats dans les quartiers ; de prendre le temps de dialoguer avec les citoyens sur le fondement et les objectifs des décisions politiques et des nouvelles lois;
- de s’engager à se questionner sur leur fonctionnement et à proposer des normes, règles et modes d’action novateurs en termes de transparence, de contrôle et d’évaluation des politiques menées et des pratiques mises en œuvre.
- que soient organisés, à tous les niveaux de l’enseignement secondaire, des cours et des formations permettant de former les jeunes au sens de la citoyenneté responsable et développant leur esprit critique ; que soient utilisées les pédagogies participatives et que soient appliquées les mesures de participation dans les écoles ;
- le développement d’une véritable pédagogie basée sur la reconnaissance des identités culturelles, la recherche des convergences traversant les différentes cultures, l’analyse de l’insertion de celles-ci dans le développement démocratique de la société ; l’inscription, au programme scolaire de l’histoire de l’immigration
- que soit mise en œuvre, à l’intention des travailleurs du secteur privé et public, et en particulier des administrations, des forces de l’ordre et des enseignants une politique d’information et de sensibilisation à la réalité multiculturelle et à la promotion d’une dynamique interculturelle dans notre pays ;
- que le dialogue interculturel soit aussi encouragé au niveau local par le soutien à des initiatives de terrain.