À propos du 175ème anniversaire de la Belgique, un point de vue « tranchant » par François BROUYAUX.
… L’avenir de la démocratie serait-il à ce point lié à la pérennité de la Belgique qu’on fasse tout un plat de son … 175ème anniversaire. (…) Certains, dont je suis, pensent que l’esprit démocratique et les valeurs que la démocratie véhicule (…) survivront probablement si on les défend avec conviction même si d’aventure la Belgique disparaissait ou si se diluait encore un peu plus ce qu’elle est devenue aujourd’hui : un drôle d’état partagé entre ceux qui lui appliquent des traitements relevant de l’acharnement thérapeutique et ceux qui souhaiteraient lui appliquer l’euthanasie ! Je serais quant à moi plutôt partisan des soins palliatifs.
On peut donc certes s’associer à la commémoration du 175ème anniversaire de l’Etat belge mais pas, en étant démocrate, à l’anniversaire de n’importe quelle Belgique ! S’il y a un héritage culturel à valoriser à l’occasion de cet anniversaire ce ne peut être (…) que grâce à une relecture de l’histoire, nuancée par des points de vue différents sur des événements qui ont jalonné « notre » histoire collective et/ou a fortiori qui ont servi de mythe à la constitution d’une conscience collective. Si les. mots « multiculturel, » société multiculturelle… » ont un sens lorsqu’ils sont employés par les démocrates européens, ce ne peut être qu’en réaction contre une vision du monde unilatéraliste, (par exemple celle de G. Bush).
Le choix est, en gros, choc des civilisations ou dialogue des cultures (…)
L’épée de Godefroid de Bouillon que Karel De Gucht a déménagée de Jérusalem devant les caméras de la VRT à l’occasion de son passage dans ces contrées tourmentées (et comment !) et surtout les commentaires de ce personnage officiellement représentant l’état belge m’ont indigné, je crois, à juste titre.
Le cérémonial de cette mise en scène incarne (délibérément et pas par maladresse) un repli identitaire belgicain complètement anachronique par rapport à la Belgique fédérale d’aujourd’hui.
En mettant en avant des symboles désuets d’une ancienne conscience patriotique construite au 19ème siècle à partir de bribes approximatives de l’histoire universelle, (…) c’est aussi la suggestion nostalgique d’une Belgique qui se constituait à l’époque avec une toute autre sociologie que celle d’aujourd’hui et avec un tout autre regard.
Dans la perspective (dans laquelle s’inscrit démo) du mieux vivre ensemble à Schaerbeek où évidemment il y a quelques milliers de musulmans belges à part entière, cette épée n’est pas qu’un gadget mais rappelle un point de vue unilatéral qui ne devrait plus avoir sa place dans une construction culturelle commune entre les citoyens d’un même espace public.
Imaginons un instant l’épée de Godefroid en face de l’épée de Ben Laden et nous aurons ce que des affrontements culturels autour de symboles réactionnaires pourraient donner.
A Bouillon même, charmante petite ville « du Sud du pays », (…) à côté du célèbre château se tient un musée, « l’Archéoscope », qui tente de présenter avec un peu d’intelligence les regards croisés de plusieurs historiens plaidant pour un dialogue constructif vers une culture nécessairement enrichie par des influences diverses.
Schaerbeek est une commune dont le creuset sociologique demande au moins la même intelligence culturelle qu’à Bouillon pour ceux qui veulent contribuer à la pacification des rapports humains.
Mieux vivre ensemble ! Pourquoi pas ? Certains parmi les démocrates prétendent s’y employer. Commençons par éviter de valoriser les symboles des anciens affrontements entre les civilisations dont nous sommes aujourd’hui les héritiers.