Article: Citoyens de Schaerbeek et du Monde « Les enjeux de la démocratie locale »

Facétieux, bon enfant, et en même temps solide, sérieux, attentif à son auditoire et intraitable sur les options qui sont les siennes, c’est ainsi que nous avons eu le plaisir de (re)découvrir Riccardo Petrella, venu aider Démocratie Schaerbeekoise et ses sympathisants à réfléchir sur l’engagement citoyen, du niveau local à la sphère mondiale.

Notre invité a d’abord attiré notre attention sur l’adaptabilité, que le monde actuel nous présente comme indispensable : il faudrait s’adapter aux changements, aux nouvelles technologies, aux nouvelles règles, on n’aurait pas de choix possible. Les media relaient cet impératif et trop souvent les décideurs politiques locaux se retranchent derrière les règlements du niveau de pouvoir supérieur, auxquels il faudrait … s’adapter, pour justifier un mauvais choix ou une impuissance …

Riccardo Petrella nous propose, quant à lui, quelques balises pour notre route citoyenne :

la dimension collective, le bien public
particulièrement difficiles à promouvoir dans une société fondée sur l’individualisme, sur une valeur pour l’individu seulement partir du moment où il entre en “transactions” avec les autres et où il s’emploie à “maximaliser son utilité individuelle” pour souffrir moins et jouir plus que celui qui lui fait face (des exemples concrets : exiger le voyage le moins cher avec le plus d’avantages possible ; s’efforcer de payer le moins possible d’impôts tout en attendant de pied ferme les prestations de l’Etat en matière, par exemple, de police ou d’enseignement).

le sentiment de son identité
essentiel pour être pleinement citoyen : on est (naît) quelque part, il faut l’apprendre soi-même et ne se laisser ni étiqueter par celui qui est en face (et vous présume bavard simplement parce que vous êtes Italien !?!) ni réduire à un nomadisme identitaire en vertu de ce principe de l’adaptabilité.
Sans identité claire, il ne serait ainsi pas possible de poser un vote valable : “Je vote en tant que quoi ?”.
Une identité stable est un besoin pour chacun, et une fois acquise, elle permet que se tissent des liens. La collectivité est chargée de valoriser ces liens, et le bien commun s’en trouve défendu, très concrètement : par les politiques de transports publics, de santé, d’enseignement ou de prise en charge des pensions. Sur sa lancée, notre orateur tire la sonnette d’alarme face aux privatisations successives, que pratiquent à peu près tous les partis aujourd’hui et qui sapent la cohésion de la société : soyons vigilants, faisons-leur savoir ce que nous en pensons !

l’appartenance
par laquelle on est “partie de”, on “apporte sa part” à la collectivité, on contribue à l’ensemble. Etre prêt à partager, c’est évidemment aux antipodes des dominantes actuelles : la “maximalisation de l’utilité individuelle”, les pratiques de l’OMC et de la Banque Mondiale qui privilégient le capital (pas le travail) et la nouvelle richesse (le ballon de cette Montgolfière, qui accueille de moins en moins de monde dans sa nacelle).
Le sentiment d’appartenance se trouve rapidement connecté aux … moyens financiers : voyons en Belgique, où ce sentiment, plus ou moins vif, pousse les citoyens à défendre le niveau de pouvoir auquel ils tiennent, en revendiquant pour lui une plus ou moins grande autonomie fiscale. Qui décide de la répartition des moyens financiers ? Quelle fiscalité locale ? La réponse à ces questions révèle les volontés politiques et conditionne fortement la pratique de la démocratie locale.

une représentation politique locale forte et vivace
chacun, suivant sa situation propre et ses intérêts personnels (parent d’élève, patient potentiel, usager de transports publics, …) doit avoir la possibilité d’exprimer ses désirs. Le bon citoyen toutefois se spécialisera dans une dimension : il n’est ni souhaitable ni possible d’être “le persil dans toutes les soupes” !!
Et, pour éviter de tomber dans l’oligarchie ou le corporatisme, il faut que les mécanismes de la représentation politique fonctionnent, pour défendre le bien commun, en application du principe de subsidiarité. Tout citoyen a intérêt à ce que cette représentation locale fonctionne bien. Rien de pire que la mise en doute de la fonction du politique, ou le discours des “Tous pourris !”
Et Riccardo Petrella d’encourager vivement ses auditeurs à prendre part aux conseils communaux (ce que DS s’emploie à faire depuis longtemps, rappelons-le !).

les institutions et les stratégies collectives
du niveau local au niveau mondial, la participation active à la société civile est essentielle, car jusqu’au niveau mondial (surtout au niveau mondial) une concertation entre politique, économie et société civile est nécessaire. Les orientations de base, qui conditionnent tout, se déterminent au niveau global : ainsi, la priorité donnée à la mobilité rapide à tout prix, et partant, à la voiture individuelle, rend aujourd’hui nos villes invivables et se désintéresse des transports en commun ; l’adoption progressive de systèmes de pensions par capitalisation recouvre un enjeu très important : on ne partage plus la vieillesse ; en quelque sorte alors on ne vit plus ensemble, …
Seules des stratégies collectives, armées des compétences et des moyens pour ce faire, pourront éliminer cet apartheid que Bruxelles connaît, ce “mur de la connaissance”, entre écoles d’élite pour un avenir que l’on veut sûr (financièrement !) pour ses enfants (quitte à leur apprendre à ne pas faire ensemble), et écoles déshéritées en raison de l’origine des élèves qui les fréquentent.
Seules des décisions au niveau mondial pourront brider la tyrannie du marché : les avions doivent voler “any time”, les magasins doivent ouvrir “any time”, et tout cela doit pouvoir se faire librement et “anywhere” (Si pas à Zaventem, alors à Budapest !).

Notre invité termine enfin par un vibrant appel à changer radicalement le système actuel, qui détruit la richesse du monde, en nous montrant combien nous vivons désormais dans des conditions planétaires (le “butterfly effect”) et combien nous avons à partager maintenant des valeurs universelles (qui restent respectueuses des particularités de chacun).

Pour votre enthousiasme et votre conviction, pour nous avoir redonné du coeur à l’ouvrage : grazie, Signor Petrella !