Article: Le rôle et l’évolution de l’associatif à Schaerbeek. Débat du 11 décembre 1999

DEMOCRATIE SCHAERBEEKOISE avait donc accepté de proposer un débat en clôture de la journée de découverte de l’associatif socio-culturel de la commune le 11 décembre dernier. Après quelques péripéties et rebondissements dans l’organisation, et un retard tel ce jour-là que l’orchestre qui nous suivait a percuté nos intervenants, nous avons pu débattre avec une quarantaine de citoyens et d’élus sur la place des associations dans la commune et les rapports privé-public.Pour Jean-Pierre LHOEST qui représentait l’Oeuvre Nationale des Aveugles, le rôle du politique n’est pas assez développé : sans le privé qui fournit 60% des subsidiations, bien des services ne seraient pas rendus dans ce domaine du travail adapté, de la promotion et des services à la personne déficiente visuelle. Il a exprimé par ailleurs le désir que l’ONA ait une présence locale plus efficace et réelle : leur spécificité les met trop peu en relation avec les acteurs du terrain social à Schaerbeek.

Felipe VAN KEIRSBILCK, du Bouillon de Cultures (restaurant de quartier, école de devoirs, activités sportives et culturelles, rencontres entre personnes qui n’ont pas spécialement besoin d’aide sociale) a abordé pour nous plusieurs questions précises :

– est-il judicieux de parler de « société civile » face au politique ?
Non, plus maintenant. Cette expression, née en Italie, préconisait de construire une société contre le politique (alors adversaire, c’était du temps de la dictature ; nous avons connu cette situation sous NOLS). Actuellement, à Schaerbeek, les associations vivent une collaboration intéressante avec certains Echevins et la Commune.

– est-il légitime de subsidier les associations ? Ne seraient-elles pas plus à leur place cantonnées dans le domaine des affaires privées (sans dépasser le stade du comité de quartier ou du club de bridge) ?
Non, car l’associatif agit sur les choses publiques. Leur subsidiation est donc tout à fait légitime.

– peut-on dire que l’associatif, par rapport au pouvoir politique, fait plus avec moins d’argent ? Est-il plus rentable, plus efficace ?
La réponse est à la fois oui et attention. La rentabilité est un critère dangereux, et accorder un budget en fonction des résultats affichés est pernicieux. Il vaut mieux éviter la comparaison car

  • l’associatif peut n’avoir parfois d’efficacité que sur un quartier (or, le pouvoir politique doit agir plus large)
  • le fait que des gens s’associent pour participer ensemble à l’avenir du monde (ou simplement de leur rue) est une légitimité suffisante (même le jour où il n’y aura plus d’échec scolaire, ça vaudra la peine d’animer des écoles de devoirs)
  • mêler de trop près évaluation de la qualité du travail de l’associatif et encouragement par les pouvoirs publics, ne mènera pas forcément à une amélioration qualitative (le pouvoir politique doit garder une certaine distance).

Bernadette DEROITTE ensuite nous a présenté la Coordination Sociale de Schaerbeek. Lancée à l’origine par le CPAS, la Coordination a été prise en mains par les associations elles-mêmes depuis 1982. Une fois par mois, des travailleurs sociaux et des animateurs de PMS s’y retrouvent pour échanger, s’informer, débattre, voire interpeller et mener certaines actions à Schaerbeek, sur les questions touchant principalement au médical, au social et à l’immigration. Elle nous signale que la Coordination fonctionne sans subsides.

Anne-Marie FRANKEN, qui l’accompagne, évoque les problèmes que peuvent rencontrer les associations quand elles tentent de travailler avec la Commune. Elle cite un exemple précis de projet de dépliant à destination des personnes âgées dont la Coordination avait pris l’initiative : en fin de compte, la Commune, qui n’avait à assurer que la distribution, a modifié le document avant de le publier et l’a présenté comme réalisé par elle (avec « l’aide » de la CS …) !! La collaboration tourne donc trop souvent à la concurrence, et au lieu d’être complémentaires, Commune et associations se retrouvent adversaires, ce qui est vraiment très regrettable : ça sent l’électoralisme à plein nez, alors qu’il serait précieux pour les associations que la Commune assume certains domaines, libérant ainsi l’énergie de l’associatif pour d’autres tâches.

Des réactions du public et du débat qui a suivi, on retiendra que

  • Schaerbeek a fait, ces dernières années, de gros progrès en matière de partenariat et de concertation avec les associations
  • ainsi, des assistantes sociales de la Commune participent maintenant aux réunions de la Coordination Sociale, ce qui était inimaginable autrefois
  • la transparence des ASBL communales est loin d’être assurée ; elles mériteraient que DEMOCRATIE SCHAERBEEKOISE s’y intéresse d’un peu plus près (trop de règles sont contournées par les Echevins eux-mêmes par le biais de ces ASBL)
  • la différence d’efficacité entre associations et pouvoirs publics s’explique pour une bonne part par le rôle des bénévoles dans l’associatif
  • il est préoccupant de constater que des objectifs sécuritaires s’immiscent de plus en plus souvent dans le travail social.

Le sujet mérite assurément d’être creusé et retravaillé en une prochaine occasion, d’autant plus que Riccardo PETRELLA, l’invité initialement prévu, nous a promis d’approfondir ce sujet avec nous !